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Congrès d’hématologie US

Hémophilie A : deux nouveaux traitements vont radicalement améliorer la vie de malades

Par le Dr Jean-Paul Marre

Deux percées thérapeutiques majeures dans l'hémophilie A, ont été présentées au Congrès Américain d'Hématologie, l'ASH 2017. Elles vont changer profondément la vie des malades à court et à long terme.

gelmold/epictura

Deux nouveaux médicaments réduisent nettement les hémorragies dues au déficit en Facteur VIII et vont améliorer la vie des hémophiles de type A. Elles ont été présentées au congrès américain d’hématologie, l’ASH 2017.
L'une concerne un anticorps bispécifique, testé par voie sous-cutanée sur 60 enfants hémophiles A, qui mime le rôle du Facteur VIII, le facteur de la coagulation manquant, et elle réduit les hémorragies de façon drastique. L'autre concerne une thérapie génique dans une étude préliminaire chez 13 adultes, mais qui laisse espérer une guérison à terme des malades qui en bénéficieront

L’émicizumab remplace le facteur VIII

Dans un essai contrôlé de phase III chez l'enfant, l'émicizumab améliore 95% des enfants hémophiles qui n'ont plus aucun épisode hémorragique imposant un traitement substitutif en Facteur VIII. Les chercheurs ont traités 60 enfants âgés de 1 à 12 ans qui avaient un inhibiteur du Facteur VIII, ce qui les empêchait d'être traités efficacement avec les perfusions de substitution en Facteur VIII.
Ceci montre que l'émicizumab, un anticorps monoclonal bispécifique anti-facteur Xa et X qui joue un rôle de cofacteur du facteur Vlll, est efficace pour prévenir les hémorragies associées à l'hémophilie A, la forme la plus commune et la plus complexe à traiter d’hémophilie. Ces bénéfices ne s’accompagnent pas d'événements indésirables graves liés à l'émicizumab.

Une tolérance correcte

L'émicizumab fonctionne comme le Facteur VIII, en permettant donc au sang de coaguler, mais il a une structure différente, qui le rend méconnaissable aux anticorps anti-Facteur VIII.
En effet, chez certains malades, les perfusions de Facteur VIII à répétition poussent le corps et son système immunitaire à développer des anticorps qui se lient au Facteur VIII de remplacement apporté par la perfusion et le rendent inefficace.
Des études antérieures sur l'émicizumab, menées chez des adultes et des adolescents, avaient soulevé des inquiétudes quant à l'innocuité du produit en raison de saignements chez quelques patients pendant l'administration du médicament. Cela n’a pas été observé dans cet essai chez l’enfant, probablement parce que les enfants de cet essai ont moins souvent utilisé du Facteur VIII puisqu'ils ont eu moins souvent de perfusion de Facteur VIII que les adultes.

Une thérapie génique chez l’adulte

Dans une 2e étude sur l’hémophilie A, mais chez l’adulte cette fois, une perfusion unique d’un traitement génétique expérimental permet d’obtenir des niveaux très améliorés du Facteur VIII, la protéine de la coagulation du sang, qui n’est plus fabriquée dans l’hémophilie A du fait de l’altération du gène. Onze adultes sur 13 ont obtrenu des niveaux normaux ou presque normaux de Facteur VIII et ceci jusqu'à 19 mois de suivi.
La thérapie génique utilise un vecteur viral pour transférer dans le corps du malade une copie fonctionnelle du gène responsable de la production de Facteur VIII, gène qui est muté chez les personnes atteintes d'hémophilie A et donc défectueux.
Il s'agit du premier essai de thérapie génique réussi dans l’hémophilie A. Bien que plusieurs thérapies géniques se soient révélées efficaces dans l'hémophilie B, une forme plus rare, la thérapie génique pour l'hémophilie A est considérée comme plus difficile car elle est associée à un gène beaucoup plus gros et complexe. Contrairement aux multiples perfusions intraveineuses par semaine du traitement habituel, cette thérapie génique semble avoir des effets durables avec une seule perfusion.

Des hémorragies graves et à répétition

L’hémophilie touche en France près de 5 000 personnes, dont la moitié sous sa forme majeure. Il en existe 2 formes en fonction du gène malade et de la protéine de la coagulation manquante. Du fait de cette protéine manquante, le sang d'une personne atteinte d'hémophilie ne coagule pas normalement. Les personnes souffrant d'hémophilie A produisent des taux extrêmement faibles de Facteur VIII, la protéine indispensable à la coagulation du sang.
Sans traitement, les patients peuvent souffrir de saignements graves, plusieurs fois par mois, en particulier dans les articulations, causant des douleurs importantes, avec un risque de maladie articulaire secondaire : l’arthropathie hémophilique. Le traitement disponible pour prévenir les saignements consiste à administrer fréquemment des perfusions intraveineuses de Facteur VIII.

Avant ces traitements, nous n'avions pas de méthodes autres que des transfusions de Facteur VIII pour prévenir les hémorragies articulaires chez les hémophiles A. Le risque a été de transmettre des infections dans le passé et il est toujours de développer des anticorps anti-Facteur VIII qui en réduisent l'efficacité actuellement.
L’émicizumab a démontré un très haut niveau d'efficacité dans la prévention des événements hémorragiques qui va changer la vie des enfants. La thérapie génique de l’hémophilie A représente une percée scientifique avec un espoir de guérison définitive de cette maladie.