C’est le genre d’ambassadeur dont le Téléthon se serait bien passé. L’association de défense des animaux Peta a publié une vidéo jeudi dernier, qui ressemble à s’y méprendre à un coup de griffe contre la grande manifestation caritative en faveur de la recherche sur la myopathie et les autres maladies génétiques orphelines. On y voit Pascaline, une malade atteinte de dystrophie musculaire, appeler à cesser l’expérimentation animale dans la maladie de Duchenne.
« Je n’ai pas demandé à ce que des animaux souffrent pour moi », revendique la militante, dénonçant notamment l’utilisation de chiens à des fins de recherche. Une autre vidéo, filmée dans le laboratoire de l’école vétérinaire de Maison-Alfort et diffusée par l’association Animal Testing en 2016, montre des golden retrievers atteints de myopathie, visiblement mal en point du fait de la maladie. « Si vous voulez vraiment aider les malades, ne donnez plus au Téléthon et financez la recherche scientifique qui n’utilise pas les animaux », conclut Peta par la voix de Pascaline.
Une controverse récurrente
Ce n’est pas la première fois que les associations animales s’en prennent au Téléthon. Dans une lettre envoyée au Téléthon en 2016, Peta développait ses griefs à l’encontre de l’expérimentation animale. En sus des problèmes éthiques que suscite la souffrance animale, elle pointait les limites du modèle canin. « Il est important de se rendre compte que la dystrophie musculaire chez le chien n’est pas analogue à celle qui touche l’humain », peut-on y lire, avant un énoncé des manifestations cliniques différentes entre le chien et l’être humain.
Mais les scientifiques travaillant sur les dystrophies musculaires défendent l’importance de l’expérimentation sur le chien, y compris dans les propres sources citées par l’association. Dans une étude publiée en 2014 dans Mammalian Genome, référencée par Peta pour dénoncer les limites du modèle canin, les auteurs rappellent que les modèles canins « développent une affection dégénérative létale remarquablement similaire à la maladie humaine ». Et invitent simplement à utiliser des biomarqueurs afin de mieux caractériser la progression de la maladie chez le chien, pour une transition plus aisée vers l’homme.
Le modèle canin jugé fiable
Dans la myopathie, le chien, utilisé pour pallier l’insuffisance des souris génétiquement modifiées, est d’ailleurs considéré comme un modèle très fiable (revue en anglais) par les chercheurs. Encore récemment, un essai préclinique réalisé au Généthon d’Evry sur douze golden retrievers a ouvert la voie à l’expérimentation chez l’homme. Il avait permis de montrer l’efficacité d’une thérapie génique innovante, la micro-dystrophine en intraveineuse, pour restaurer la force musculaire des chiens atteints de myopathie de Duchenne, en l’occurrence de façon naturelle.
Le modèle canin cumule plusieurs fonctions : il permet tout d’abord de faire la preuve de concept de l’efficacité d’une thérapie candidate, après sa mise au point en laboratoire ou sur des souris. Mais l’expérimentation préclinique sur le chien ou d’autres mammifères permet aussi d’évaluer la toxicité et de déterminer la fourchette de dose à utiliser chez l’humain lors des tests cliniques. Autant d’étapes obligatoires pour développer une nouvelle thérapie, sous peine de prendre des risques inconsidérés vis-à-vis de l’humain.
Des chercheurs agacés par les « caricatures »
Il en va de même de la plupart des arguments factuels développés par les associations abolitionnistes comme Peta, Antidote Europe ou Animal Testing. Pour les scientifiques, les limites du modèle animal, réelles et d'ailleurs bien connues, ne suffisent en aucun cas à disqualifier le principe même de l’expérimentation animale. Comme le rappelait une tribune de 400 chercheurs récemment publiée dans Libération, et dénonçant les « caricatures » en la matière, il est illusoire d’espérer se passer de l’animal à horizon proche. Les méthodes de substitution – expériences in vitro et simulations informatiques – ne sont tout simplement pas assez développées. Le Téléthon s'était aussi fendu d'une réponse à Peta en 2016, sur l'utilité des recherches animales.
Pour autant, le problème est pris au sérieux par une communauté scientifique de plus en plus attendue au tournant, par une société devenue sensible à la souffrance animale et des associations radicales très actives. Renforcé depuis 2013, le cadre éthique de l’expérimentation animale se fonde sur le principe des « 3 R » : remplacer le modèle animal par un modèle de substitution quand c’est possible ; réduire autant que possible le nombre d’animaux utilisés ; raffiner les procédures pour diminuer la douleur ou le stress subis par les animaux. Déjà un vaste programme.