Ce serait la première fois que des gènes liés à l’orientation sexuelle sont identifiés. La trouvaille, si elle est confirmée, est donc d’importance. Publiée dans Scientific Reports, elle résulte d’une étude menée par l’équipe du Pr Alan Sanders, du département de neurosciences comportementales de l’université NorthShore (près de Chicago), sur un échantillon de 2308 hommes d’origine européenne dont 1231 se déclarant homosexuels.
Autant lever le lièvre d’emblée : les chercheurs n’ont pas découvert de « gènes de l’homosexualité ». Si de tels gènes existaient, comme pour la couleur des yeux, ils auraient été découverts depuis belle lurette. En toute probabilité, l’orientation sexuelle résulte d’une interaction entre un ensemble de gènes et l’environnement, biologique et culturel. Mais on sait qu’elle est en partie transmissible, avec une héritabilité de 30 à 40 % selon les études, et qu’elle se traduit chez les hommes par une prédisposition forte pour une hétérosexualité ou une homosexualité souvent exclusive.
Deux gènes liés au cerveau
Le premier gène identifié, porté sur le chromosome 13 (SLITRK6), joue sans doute un rôle dans la différenciation sexuelle au sein de l’hypothalamus, une structure profonde du cerveau qui varie en taille (en anglais) selon l’orientation sexuelle. Le second, présent sur le chromosome 14 (TSHR), code pour un récepteur dans la thyroïde, la glande chargée de sécréter l’hormone thyroïdienne, qu’on soupçonne aussi d’être liée à l’orientation sexuelle via la mère (en anglais).
Pour identifier ces deux gènes, les chercheurs ont eu recours à la première étude d’association pangénomique du domaine. Apparues grâce au séquençage haut-débit, ces études permettent d’analyser l’ensemble du génome des sujets, sans a priori sur les régions d’intérêt. Si l’analyse génétique était une guerre, l’approche pangénomique serait une arme de destruction massive. Reste un hic : pour être valables, de telles études doivent porter sur de très vastes échantillons.
Des résultats à confirmer
Avec seulement 2300 sujets quand il en faudrait sans doute dix fois plus, les résultats de Sanders et collègues sont sujets à caution, et devront être répliqués pour être considérés comme définitifs. La génétique, qui se fonde sur des associations statistiquement significatives pour tenter d’expliquer des traits éminemment complexes, se prête à l’annonce de résultats parfois anticipés, a fortiori dans un domaine qui suscite autant de passions que celui de l’orientation sexuelle.
Beaucoup de chercheurs en neurosciences et génétique estiment que l’homosexualité masculine s’explique avant tout par des facteurs d’ordre biologique – un point de vue souvent considéré comme controversé, mais reposant sur un important faisceau d’indices (en anglais). Mais la détermination des mécanismes sous-jacents, héréditaires et environnementaux, est très difficile. Une théorie en vogue, popularisée en France par le Pr Jacques Balthazart, voit l’exposition prénatale à la testostérone comme un des déterminants majeurs de la future orientation sexuelle du fœtus. Si le rôle des gènes SLITRK6 et TSHR est confirmé, cette théorie pourrait bien se voir renforcée.