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Levothyrox : le tribunal de Saint-Gaudens déboute les malades qui réclamaient l'ancienne formule

Par Dr Philippe Montereau

Dans l’affaire du Levothyrox, tout doit être fait pour soulager les souffrances de dizaine de milliers malades. Sauf erreur manifeste du laboratoire, il n’est pas sûr que les tribunaux seront leurs meilleurs alliés.

tomloel/epictura
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Le juge des référés du tribunal de Saint-Gaudens (Haute-Garonne) a débouté une quarantaine de malades qui avaient assignés le laboratoire Merck pour lui demander de livrer l’ancienne formule de Levothyrox en raison des effets secondaires ressentis lors du passage à la nouvelle formule, a indiqué l’avocat des plaignants. Le tribunal a également rejeté la demande d’indemnisation pour « préjudice d’angoisse ».

Ni urgence, ni préjudice d’angoisse

Le juge des référés a énoncé qu'il n'y avait dans ce dossier, ni caractère d'urgence (pour juger en référé), ni préjudice d'angoisse. Il a basé sa décision sur « l’absence de certificats médicaux » validant le fait que les effets indésirables seraient liés directement au médicament, sur « l’existence de substituts » puisque 5 traitements différents sont désormais disponibles, sur l’importation sur le marché français de « 218 080 boites de l’ancienne formule par le laboratoire » et enfin sur le fait que « seulement 0,6 %, soit 15 600, des 2,6 millions personnes traitées par Lévothyrox, seraient concernées par ce problème » selon l’avocat du laboratoire Merck. 

Des décisions contradictoires

La décision du tribunal de Saint-Gaudens va dans le sens contraire à celle du juge des référés de Toulouse, qui avait condamné le 14 novembre le laboratoire à fournir « sans délai » l’ancienne formule du produit, aujourd’hui dénommé Euthyrox, à 25 patients de la Haute-Garonne.
Merck a fait appel de la condamnation du tribunal de Toulouse et l’avocat des malades a dit qu’il « interjetait appel » de la décision de celui de Saint-Gaudens. Les audiences en appel pour les dossiers de Saint-Gaudens et Toulouse pourraient être réunies en une seule, mais d’autres référés sont en cours. Ces décisions ne règlent pour autant rien sur le fond.

Une affaire très pénible pour certains malades

Cette affaire, qui traduit une souffrance réelle pour de nombreux malades, sera difficile à plaider pour les avocats en dehors du « défaut d’information », sauf si le laboratoire Merck a fait une erreur technique.
Celui-ci rappelle d’ailleurs que dans cette affaire « Merck s'est toujours conformé aux demandes des autorités de santé : qu'il s'agisse de l'injonction d'améliorer la formule de Levothyrox ou de réintroduire temporairement des boites de l'ancienne formulation de manière à faciliter la transition pour les patients qui en avaient exprimé le besoin ».

L’absorption de la lévothyroxine dépend des malades

De nombreuses circonstances, qu'elles soient physiologiques ou pathologiques, peuvent altérer l'absorption de la lévothyroxine dans le corps humain.
L'absorption de lévothyroxine peut en effet être altérée par l'âge, le jeûne, l'ingestion de certains aliments (fibres alimentaires, raisins, soja, papaye et café) ou de certains médicaments (inhibiteurs de la pompe à protons, antiacides, sucralfate…).
De plus, de nombreuses maladies gastro-intestinales, telles que les celles qui perturbent l'intégrité de la barrière intestinale et les maladies qui altèrent l'acidité naturelle de l’estomac, peuvent diminuer l’apport réel en lévothyroxine (« la biodisponibilité ») chez certains malades.

L’absorption de la lévothyroxine dépend de la formule

Les études qui ont étudié la biodisponibilité de la lévothyroxine en fonction de différents paramètres commencent à dater, mais elles révèlent qu’il existe bel et bien un problème pour certaines personnes. Certains malades ne digèrent pas bien les comprimés et ils peuvent être de ce fait sous-dosés en médicament ce qui s’est vu dans une étude lorsque l’on compare l’absorption des comprimés intacts et celle des comprimés réduits en poudre.
De la même façon, certaines études démontrent des différences d’absorption réelle du médicament, la « biodisponibilité », entre une forme-comprimé et une forme-solution orale : l’étude confirme que la lévothyroxine en solution orale pourrait avoir un taux d'absorption accru par rapport aux comprimés de lévothyroxine, en particulier en présence d'autres facteurs interférant avec l'absorption de la lévothyroxine.

Quelle que soit l’issue de la bataille judiciaire, et même si c’est seulement 0,6% des malades traités, plusieurs dizaines de milliers de personnes souffrent ou sont mal à l’aise avec la nouvelle formulation. Les médecins doivent leur proposer d’essayer les autres formulations disponibles et les aider à ajuster les doses.