Il aura fallu attendre juillet 2016, et le gouvernement de François Hollande, pour que les homosexuels et bisexuels puissent faire don de leur sang. Cela leur était interdit depuis 1983, alors que l’épidémie du sida battait son plein et qu’ils constituaient le principal groupe à risque.
En mettant fin à une exclusion jugée discriminatoire, Marisol Touraine, alors ministre de la santé, pose cependant une condition. Et pas des moindres : ne pas avoir de rapport sexuel pendant un an. En réalité une fausse excuse pour exclure de fait sans exclure dans la loi.
C’est cette règle que les associations jugent discriminatoire. Et c’est pour cette raison que Mousse, Stop Homophobie, Comité Idaho France ou encore Élus locaux contre le sida ont saisi le Conseil d’État.
Des comportements à risque
Raison avancée à l’époque par Marisol Touraine : éviter le danger et rassurer les receveurs. Car statistiquement, les homosexuels ont plus de rapports sexuels à risque que les hétérosexuels.
« Selon les travaux de l’Institut de veille sanitaire, la prévalence de porteurs du VIH est environ 70 fois supérieure chez les hommes ayant eu des relations sexuelles avec des hommes. (…) La proportion de personnes nouvellement contaminées au cours de l’année 2012 était 115 fois supérieure chez ces hommes que dans la population hétérosexuelle », avance ainsi le Conseil d’Etat quand il rejette la demande des associations un an plus tard.
Là aussi, elles y voient de la discrimination. Car les personnes hétérosexuelles n’ont qu’à remplir un questionnaire dans lequel elles assurent ne pas avoir eu de rapport sexuel à risques. Alors que les personnes homosexuelles sont jugées à priori, sur des statistiques.
Quand le virus est indétectable
Autre argument avancé pour justifier l’abstinence : pendant un court moment, une personne contaminée par le VIH ne le sait pas et il n’y a pas encore d’anticorps dans le sang détectable par les tests.
Il existe effectivement une « fenêtre sérologique », c’est à dire une période pendant laquelle le virus est indétectable, même avec les tests de dépistage les plus efficaces. Cette période est de douze jours.
Ne pas avoir de rapport sexuel du tout éloigne donc tout risque d’avoir le virus sans le savoir. Mais les personnes ayant des relations exclusivement hétérosexuelles sont bien entendu, elles aussi concernées.
Les associations y voient donc un jugement basé sur leur orientation sexuelle. « Absurde. Nous sommes discriminés parce que nous faisons l’amour », écrit ainsi Stop Homophobie sur son site internet, après la décision du Conseil d’Etat de maintenir la restriction. Un recours à la Cour européenne des droits de l’Homme est envisagé.