« Les nouvelles maladies, c’est nous qui les attrapons les premiers », affirment les affiches qui accueillent le visiteur dans l’Institut Pasteur à Paris. C’est effectivement l’équipe pasteurienne du Centre national de référence pour la grippe qui surveille H7N9, le dernier né de la famille des virus grippaux, apparu il y a deux mois dans la région de Shanghaï dans l’Est de la Chine. Le dernier bilan officiel a fait état jeudi soir de 38 personnes infectées par cette grippe aviaire et 10 décès.
Pourtant ce n’est pas l’effervescence dans les coursives du centre François Jacob, le bâtiment flambant neuf dédié à la recherche sur les maladies émergentes. Pas plus d’agitation dans les laboratoires du 4e étage où travaillent une poignée de spécialistes des virus de la grippe. Car l’heure n’est pas à l’alerte mais plutôt à l’enquête. « Nous sommes dans une phase de compréhension du virus, explique le Pr Sylvie van der Werf, directrice du Centre national de référence pour la grippe. Nous devons en savoir le plus possible sur H7N9. Comment il circule, comment il se transmet entre les différentes espèces d’oiseaux, est-ce qu’il cause des cas sans symptômes… » L’enjeu est d’arriver, par cette connaissance précise du virus, à interrompre sa chaîne de contamination. Et dans l’idéal, avant qu’il n’ait acquis la capacité de se transmettre d’homme à homme.
Un virus capable de s'accrocher aux cellules des voies respiratoires humaines
Pour le moment, seules des personnes en contact avec des volailles ont contracté l’infection. Mais à tout moment, une conjonction de mutations peut permettre au virus H7N9 d’acquérir la capacité de transmissibilité interhumaine. L’analyse des souches du virus retrouvé à Shanghaï ont montré qu’H7N9 possède déjà à sa surface les protéines qui vont lui permettre de s’accrocher aux cellules qui tapissent les voies respiratoires humaines. « Cela fait partie des caractéristiques importantes pour qu’un virus aviaire soit capable de s’adapter chez l’homme. Mais ce ne sont pour le moment que des caractéristiques nécessaires, pas encore suffisantes », souligne Sylvie van der Werf. Il est impossible aux spécialistes de prévoir la survenue de cette transformation en virus capable de se transmettre d’homme à homme.
Ecoutez le Pr Sylvie van der Werf, directrice du Centre national de référence pour la grippe à l’Institut Pasteur à Paris : « Plus le virus est en contact avec l’Homme, plus le risque augmente de le voir s’adapter et aller vers la transmissibilité interhumaine »
Pour interrompre la chaîne de transmission du virus des oiseaux à l’homme, la ville de Shanghaï a fermé les marchés aux volailles, ordonné l'abattage de dizaines de milliers de volatiles, confiné ses pigeons et fermé les volières du zoo municipal, selon le quotidien Shanghai Daily. Mais l'Organisation mondiale de la santé animale s’est inquiétée jeudi dans un communiqué des difficultés de détection du virus chez les volailles compte tenu de l’absence de symptômes visibles. Le fait que le virus H7N9 se révèle peu pathogène chez l’animal n’est pas une bonne nouvelle pour l’homme, au contraire.
Ecoutez le Pr Sylvie van der Werf, directrice du Centre national de référence pour la grippe à l’Institut Pasteur à Paris : « Le virus va pouvoir circuler silencieusement chez un grand nombre de volailles et son pouvoir pathogène pourrait se révéler plus important chez l’homme. »
Les médecins briefés sur la conduite à tenir
Mais pas de raison de s’inquiéter pour autant. Pour le moment, l’Institut de veille sanitaire a informé les médecins sur la conduite à tenir si un de leur patient de retour de la région de Shanghaï présente des signes de grippe. Et même si la Chine annonçait aujourd’hui un cas de grippe H7N9 chez une personne n’ayant jamais été en contact avec un animal infecté, nous sommes prêts. « Nous avons les outils pour pouvoir rapidement détecter le virus et même préparer les souches pour lancer une production de vaccins si la situation le nécessitait », assure la spécialiste. La menace pandémique ne semble visiblement pas imminente, d’autant plus que les conditions météorologiques enfin printanières et bientôt estivales seront de moins en moins favorables à la transmission efficace du virus de la grippe.