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Dilemme

A Grenoble, deux médecins devant la justice pour avoir ressuscité un enfant mort-né..

Par Dr Eric Du Perret

Savoir si une équipe médicale n’a pas fait part d’une « obstination déraisonnable » pour garder en vie un nouveau-né, est à comparer avec le combat de cette famille de Nancy contre la décision du Conseil d’État de valider la décision d’arrêt des soins d’une adolescente de 14 ans, dans un coma végétatif depuis juin 2017, mais que les parents refusent de laisser mourir. Un dilemme pour le corps médical.

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A Grenoble,

les faits remontent à 17 ans ! Dans une clinique, une femme accouche, par césarienne, d’un enfant né le cordon ombilical enroulé autour du cou et en état de mort apparente. L’équipe médicale, qui comportait deux médecins et du personnel infirmier, avait alors appliqué le protocole devant un arrêt cardiaque : une quinzaine de minutes de manœuvres de réanimation, qui avaient ressuscité l’enfant. Malheureusement au prix de séquelles importantes. L’enfant se déplace aujourd’hui en fauteuil électrique et sa situation nécessite une assistance permanente.

« Était-il légitime de vouloir faire vivre cet enfant ? » demande l’avocat. Certains parleront d’acharnement thérapeutique, d’autres d’application stricte des possibilités devant un arrêt cardiaque.

A Nancy,

l’affaire est plus récente : une adolescente souffre d’une maladie auto-immune neuromusculaire. Elle est hospitalisée depuis juin dans les suites d’une crise cardiaque grave qui a provoqué un coma dépassé ou « coma végétatif ».  En dépit de soins intensifs, et en l’absence d’amélioration de son état, les médecins ont jugé son cas sans espoir. Conformément à la loi de 2016 sur la fin de vie, ils ont lancé une procédure visant à l’arrêt des traitements.
Le père et la mère de l’adolescente avaient saisi en urgence (« en référé ») la plus haute juridiction administrative pour s’opposer à la décision du tribunal administratif de Nancy, qui avait validé la proposition d'arrêt des soins des médecins. Pour les parents, la décision du tribunal revient à demander à ces médecins « de la faire mourir »... Une interprétation compréhensible, mais un peu abrupte.

Selon le Conseil d'Etat, « il appartient donc désormais aux médecins en charge de l'enfant d'apprécier si, et dans quel délai, la décision d'arrêt de traitement doit être exécutée ».

Il s’agit pas, en effet, de provoquer la fin de vie de la jeune fille. L’euthanasie active est interdite dans notre pays. Il s'agit de la laisser mourir et donc d'arrêter les soins de support. Il existe un protocole très précis, mais c’est difficile pour un médecin de parler d’acte médical, même s’il le faudrait. 

Le rôle du médecin face à la maladie

Donner la mort, c’est l’inverse de la mission d’un médecin. On perçoit le dilemme. Toutefois, il ne faut pas non plus être naïfs… Cela fait des générations que les médecins abrègent – souvent dans une grande solitude – la souffrance des malades pour lesquels il n’y a plus aucun espoir, si ce n’est de prolonger des souffrances inutiles.

Doit-il décider de baisser les bras face à un combat perdu ou doit-il mettre en œuvre tous les moyens de la médecine moderne ?

Certains pays par exemple ont légiféré et n’ouvrent plus par exemple les services de réanimation au-dessus d’un certain âge – 70 ans par exemple aux Pays-Bas – à moins d’une demande formulée explicitement en amont. En France, la réflexion sur la réanimation des très grands prématurés est en cours depuis longtemps et les limites ne sont plus franchies. Même si le record est très bas : 226 grammes après une grossesse de 26 semaines et une naissance par césarienne, parce que le placenta de la maman ne lui permettait plus de vivre. Précisons que l’enfant est toujours en vie et était considéré comme « normal » à 6 mois.

La peur du procès

Pendant des siècles, les médecins ont pris les décisions en toute confidentialité, et ce sont les procès à répétition qui ont changé la donne. Aujourd’hui, aux Etats-Unis, la plupart des interventions chirurgicales sont filmées pour prévenir les attaques de cabinets d’avocats spécialisés. Rappelons que, dans ce pays, l’avocat est intéressé financièrement par le résultat du procès.

Il est difficile lorsque le travail s’effectue en équipe, comme c’est toujours le cas en réanimation, de prendre la décision de ne pas aller jusqu’au bout des possibilités de prolonger la vie, qui sont de plus en plus nombreuses. Il faut la conviction d’un « patron » fort pour ne pas risquer de voir un des membres de l’équipe médicale informer la famille de ces procédures que n’enseigne aucun manuels de médecine.
C’est probablement un sujet que la révision des lois de bioéthique doit aborder dans les 6 mois qui viennent.