C’est un nouveau pas dans la guerre culturelle qui se joue aux États-Unis. L’administration Trump a annoncé la semaine dernière sa volonté de mieux protéger les médecins et autres professionnels de santé qui souhaitent s’abstenir de pratiquer certains actes pour des raisons religieuses, comme l’avortement ou la prise en charge de la réassignation sexuelle.
« Trop de professionnels de santé se sont vus harcelés et discriminés en raison de leurs croyances religieuses et de leurs convictions morales, ce qui a conduit beaucoup d’entre eux à s’interroger sur leur avenir au sein de notre système de santé », a déclaré Eric Hargan, le secrétaire d’État à la Santé américain en intérim, lors d’une déclaration publique (en anglais) tenue jeudi dernier en compagnie de plusieurs officiels et membres de la majorité.
L’administration a ainsi a mis en place une nouvelle entité au sein de la direction des Droits civiques (Office for Civil Rights) du département de la Santé, baptisée « division pour la Liberté de conscience et de religion » (Conscience and Religious Freedom Division). D’après le communiqué de presse officiel (en anglais), cette division permettra « d’appliquer avec plus de vigueur et d’efficacité les lois actuelles visant à protéger la la liberté de conscience et de religion, qui constitue la première liberté garantie par la Déclaration des droits ».
L’avortement dans le viseur
En ligne de mire de cette nouvelle entité : l’avortement, ligne de clivage majeure dans l’opinion et marqueur politique central de l’administration Trump. D’après un sondage publié en juillet 2017 par Pew Research Center, les deux-tiers (65 %) des sympathisants républicains sont partiellement ou totalement opposés à l’avortement. Chez les Blancs protestants évangéliques, qui constituent la principale assise électorale de Donal Trump, le taux s’élève à 70 %.
Cette décision s’inscrit dans une offensive généralisée de l’administration Trump contre l’avortement. Le site The Hill rapporte que l’administration a annoncé vendredi sa volonté de retoquer une disposition de 2016, qui empêchait les états de supprimer les subventions de Medicaid (la couverture santé des Américains les plus pauvres) au Planning familial. Dans les faits, l’accès à l’avortement est déjà très difficile dans la Bible Belt (Sud-Est conservateur) et une partie du Midwest, où les cliniques d’IVG ferment une par une. Un mouvement amorcé avant l’élection de Trump.
Difficultés d’accès aux soins en prévision
Les inquiétudes portent aussi sur la prise en charge de la réassignation sexuelle à destination des personnes transgenres. Sont aussi concernés l’euthanasie et le suicide assisté (légal dans quelques états) ainsi que la stérilisation à visée contraceptive (ligature des trompes et vasectomie), très employée aux États-Unis. Autant de pratiques récusées par les Américains les plus religieux, qui y voient une offense à la nature humaine.
Comme le remarque le Los Angeles Times, plusieurs lois existent déjà afin d’empêcher l’État fédéral de discriminer les médecins refusant de pratiquer des avortements ou des stérilisations pour des raisons morales ou religieuses. Il en va de même du refus de pratiquer le suicide assisté, protégé par… l’Obamacare. Pour beaucoup de commentateurs, la création de Conscience and Religious Freedom Division laisse craindre un effet domino, avec à la clé un déni de soins pour les patients concernés.