On insiste bien pendant les études de médecine sur le fait qu’il faut écouter ses malades. Mais voilà, lorsqu’on est étudiant, on n’est pas toujours très attentif. L’explication vaut ce qu’elle vaut, mais on reste parfois sans voix devant la lecture de la rubrique faits-divers.
Ainsi, l’histoire de ce couple : une famille sans histoire jusqu’à ce qu’une visite dans un hôpital pourtant réputé ne tourne au cauchemar. Ils ont un fils, âgé d’1 an, qui n’arrive plus à bouger une de ses jambes. Les médecins de cet hôpital font bien la première partie de leur travail. À savoir, diagnostiquer une fracture du fémur. Et compléter l’examen par la découverte d’autres fractures plus anciennes à une autre jambe et surtout au niveau du crâne.
En garde à vue
Mais c’est alors que l’examen dérape par une interprétation malencontreuse. Pour les médecins, pas de doute, on est face à un cas de maltraitance, un cas d’enfant battu donc en danger. Et le réflexe n’est plus de poursuivre l’enquête médicale… mais de confier l’enquête tout court au juge, qui, devant le rapport accablant des médecins, n’a d’autre solution que de retirer le bébé à la garde de ses parents qui sont eux-mêmes mis en garde à vue par la police.
Maladie rare
Mais heureusement il y a Internet, outil formidable pour faire céder le dernier rempart de la suffisance médicale. Pour les parents, après des heures de recherche, comme ils savent que leur enfant n’a pas été maltraité, il n’y a aucun doute sur le diagnostic : il souffre d’une ostéogenèse imparfaite, une maladie rare, moins de 50 cas par an en France ; ce que l’on appelle familièrement la "maladie des os de verre", ce qui permet de comprendre pourquoi les os de leur enfant se brisaient pour des chocs anodins, qui n’avaient rien à voir avec la maltraitance. Une maladie qui présente des stades de gravité différents, d’où l’erreur des médecins, mais qui doit systématiquement être recherchée devant des fractures multiples d’âges différents. Il faudra toutefois des mois pour que les parents puissent apporter la preuve de leur innocence – l’examen de leur enfant par un service spécialisé – et récupérer leur petit, dont on peut espérer, en prenant un certain nombre de précautions, qu’il pourra atteindre sans trop de fractures l’adolescence, âge où les os redeviennent normaux.
Toutefois, l'évolution est parfois difficile. Tout le monde se souvient des images de ce pianiste exceptionnel, Michel Petrucciani, qui souffrait de cette maladie mais a pu faire une carrière de concertiste international.
La morale de cette histoire : en médecine, la certitude est souvent un bien vilain défaut, alors que le doute fait indiscutablement partie des qualités du bon médecin.