Dans la lutte contre le cannabis, le gouvernement poursuit sur la politique du « et en même temps ».
Si l’on en croit le Ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, au micro de nos confrères d’Europe 1, le gouvernement va suivre un rapport parlementaire qui préconisait une amende forfaitaire immédiate pour les usagers de cannabis sans trancher la question de la dépénalisation, « et en même temps », il va l'assortir « éventuellement » de poursuites pénales.
« Nous allons forfaitiser ce délit (…). On va tout de suite demander une somme, mais ensuite, il peut y avoir des poursuites. C’est-à-dire qu’il n’y a pas de dépénalisation de l’usage du cannabis. « La forfaitisation n’éteint pas l’action pénale ». Il n'y a donc pas de dépénalisation et encore moins de politique de santé (?).
Cette promesse de campagne du candidat Macron, pourrait ainsi être mise en œuvre à travers un article de la future loi sur la réforme de la procédure pénale.
Une dépénalisation en trompe l’œil
Cela ressemble quand même à une dépénalisation bâclée et en trompe l’œil. L’amende ne sera payée que par les « bobos », et pas par les marginaux, mais les poursuites pénales ne seront pas déclenchées sauf revente avérée.
Une mesure clientéliste destinée à satisfaire les consommateur et les policiers, débordés par la paperasse (il faudrait 2 ou 3 heures de procédure pour chaque arrestation), et qui rassurera les « anti ». Par contre, cela remet sous le tapis le débat national sur la jeunesse, la santé et le cannabis que tous les professionnels de l’addiction attendent.
D'après, le Professeur Amine Benyamina, spécialiste des addictions à Villejuif, cela fait des années que la question du cannabis est débattue, mais de manière stérile. Une amende concernant le cannabis ce n’est pas une politique de santé. Le cannabis est un produit qui touche beaucoup la santé de la jeunesse et une loi comme celle-là ne sera pas capable de les protéger ; il faut changer le système.
Légalisation consommation encadrée ?
Les exemples à l’étranger ne manquent pourtant pas pour poser le débat. Depuis 1996, les Californiens peuvent consommer du cannabis dans un cadre précis, ce que l’on appelle le cannabis thérapeutique. Mais le cannabis thérapeutique aux Etats-Unis, ce n’est pas comme en Europe où ce sont des formes galéniques qui répondent aux exigences de nos agences d’enregistrement qui sont disponibles. Aux Etats-Unis, le cannabis thérapeutique, c’est une ordonnance de quasi complaisance, qui permet d’obtenir un petit sachet d’herbe. Depuis le 1er janvier 2018, c’est tout le cannabis qui est autorisé, avec un cadre, c’est-à-dire un âge, une quantité, des structures dans lesquelles on peut l’acheter, une possibilité de consommer…
Consommation encadrée ou légalisation ?
La Hollande, est le modèle à ne pas suivre, le modèle hypocrite où il est possible de consommer du cannabis, avec une dose qui est limitée, dans les coffee-shops, mais derrière le comptoir, on ne sait pas qui le fabrique, ni comment ces coffee-shops sont approvisionnés. Les systèmes mafieux persistent et c’est ce qu’il ne faut pas faire.
En Espagne, il y a les cannabis-clubs. Cela semble un bon système dans lequel il y a un fichier, où les gens s’inscrivent, ils consomment dans un endroit, et puis il y a un vrai filet de santé et de sécurité.
Le Portugal est un pays qui a légalisé le cannabis et a, en quelque sorte, encadré la consommation et la prise en charge des addictions. On s’aperçoit que plus de consommateurs rentrent dans le système de soin, il y a moins de trafic puisque l’on a effacé la différence entre la production et l’offre. De la même manière, il y a un pays emblématique, l’Uruguay, qui a légalisé toute la filière, de la fabrication jusqu’à la consommation, en passant par le système de distribution, et la santé autour.
Un débat pour un modèle français
Pour les addictologues français, il faut créer un modèle français avec un cannabis qui n’est pas un cannabis dangereux, parce qu’il y a des cannabis dangereux, c’est-à-dire avec une composition moins dosée en THC et plus équilibrée en cannabinoïdes… Un cadre de production et de distribution qui détruit les systèmes mafieux, un encadrement sanitaire attractif pour les toxicomanes… Le modèle français, enfin, ne peut pas occulter la partie environnement, culture et tradition de notre pays.
Un débat urgent à l’heure où la majorité des adolescents et des jeunes considèrent le cannabis comme moins toxique que le tabac ou l’alcool.