L'Agence Régionale de Santé de la Nouvelle-Aquitaine vient de révéler le nombre de cas de rougeole constatés dans cette région : 115 cas depuis novembre 2107, dont 16 sur le campus universitaire, 32 hospitalisations et 1 malade en réanimation.
Les autorités de santé annoncent, par ailleurs, un autre foyer d'infection à Poitiers. Mais il est probable que les chiffres ne soient pas meilleurs dans les autres régions. Pour les spécialistes des maladies infectieuses et ceux de la vaccination, nous sommes devant une épidémie. Une grave épidémie, il y en a une actuellement dans la partie indonésienne de la Papouasie avec plus de 800 enfants dénutris hospitalisés, de nombreux morts...
La rougeole est une maladie infectieuse due à un virus très contagieux qui touchait auparavant surtout les petits enfants à partir de 5–6 mois. Ce n’est plus le cas : un tiers des cas déclarés concerne des personnes de plus de 15 ans. Or, les cas de rougeole chez l'adulte sont potentiellement plus dangereux.
Les microbes frappent les groupes
La rougeole est une maladie infectieuse d’origine virale, éruptive et très contagieuse, liée à un "paramyxovirus". Elle se transmet principalement par voie aérienne, par exemple lorsqu’un malade contagieux tousse, il envoie dans l’air des micro-gouttelettes de salive infectées de virus. Il est possible également de contracter la rougeole après contact avec une surface contaminée par des sécrétions nasales et les expectorations.
Pour se disséminer, le virus aime donc la promiscuité, les réunions. Quoi de plus favorable qu’un campus d’étudiants ? C’est de celui du campus universitaire qu’est partie l’épidémie bordelaise. La phase de contagiosité démarre la veille de l’apparition des premiers symptômes et s’étend jusqu’à 5 jours après le début de l’apparition des boutons. Les jeunes médecins sont peu familiers des signes précoces de la rougeole (fièvre, yeux rouges, toux et douleurs du ventre), c'est-à-dire avant l'apparition des boutons. Ainsi, selon les spécialistes, une personne infectée en contamine 15 à 20 autres.
Seule protection : la vaccination
Le seul moyen d’éviter de contracter la rougeole est de se faire vacciner. Très efficace, la vaccination est seulement contre-indiquée chez l’allergique au blanc d’œuf, chez l’immunodéprimé, et pendant la grossesse. C'est un vaccin où il n'y a pas d'adjuvant à l'aluminium, ce qui devrait rassurer les plus inquiets.
Traditionnellement, le schéma vaccinal consiste en l’injection d’une dose de vaccin ROR (Rougeole, Oreillons, Rubéole) à 12 mois puis une deuxième injection entre 16 et 18 mois. Pour les personnes n’ayant jamais été vaccinées contre la rougeole, un rattrapage est possible. Il consiste en l’injection de deux doses de vaccin à au moins un mois d’intervalle.
En cas d’épidémie, il est possible de recevoir le vaccin jusqu’à 72 heures après avoir été en contact avec une personne souffrant de la rougeole pour éviter la survenue de la maladie (vaccination de rattrapage).
Un échec de la politique vaccinale en France
En 1980, avant que la vaccination ne se généralise, on recensait 600 000 cas de rougeole en France. L’épidémie actuelle de rougeole montre que la France est toujours en situation endémique vis-à-vis de la rougeole et qu'elle n’est pas à l’abri d’une nouvelle épidémie d’ampleur car la carte des infections de 2017 fait apparaître que les diagnostics se répartissent de manière plutôt homogène sur le territoire.
Le scénario d’une épidémie est d’autant plus crédible que la couverture vaccinale est trop faible. Seuls 79 % des bébés de 2 ans sont vaccinés. Or, avec un virus du niveau de contagiosité du "paramyxovirus" de la rougeole, il faudrait atteindre 95 % de couverture vaccinale afin d’empêcher toute circulation du virus en France.
Une couverture vaccinale nécessaire en Europe
La France est loin d'être isolée face à cette résurgence de la rougeole. Nos voisins italiens, belges et allemands ont été confrontés à une hausse brutale des cas. Plus à l'est, la Roumanie doit elle aussi combattre une épidémie très active.
En Europe, un plan d’élimination de la rougeole a donc été mis en place entre 2005 et 2010. On parle d'élimination quand aucune épidémie – même minime – n’a lieu pendant un an ou plus. Il repose sur la vaccination, d'où la logique de l'obligation vaccinale en France à partir de 2018. Celui-ci a très bien marché dans les pays du nord de l'Europe, par exemple aux Pays-Bas où la rougeole a disparu complètement.
La rougeole n’est pas une maladie bénigne
L’Agence Régionale de Santé de Nouvelle-Aquitaine déclare que, sur les 77 cas recensés depuis novembre 2017, douze ont conduit à une hospitalisation, soit plus d'un sur 6 ! Lors de l'épidémie de 2011 en France, plus de 15 000 personnes avaient été contaminées et 10 décès avaient été recensés. Depuis 2008, plus de 23 000 cas de rougeole ont été déclarés en France et plus de 1000 cas de rougeole ont conduit à des complications et des séquelles.
La rougeole peut se compliquer, en particulier chez des nourrissons ou chez des personnes fragiles, et conduire à une hospitalisation. C’est tout d’abord une pneumonie en rapport avec une surinfection par une bactérie. Il s’agit d’une infection grave du poumon qui peut conduire le malade en réanimation. C’est ensuite un risque d’infection virale du cerveau (« encéphalite »). Ces complications peuvent entraîner le décès et donner des séquelles pulmonaires et neurologiques à vie.
Mobilisation nécessaire des familles et des médecins
Au vu de cette situation, Santé publique France recommande aux familles et aux professionnels de santé de se montrer vigilants. La rougeole est redevenue une maladie à déclaration obligatoire en France. Face à une rougeole, le calendrier vaccinal des proches doit être systématiquement vérifié. Si le schéma est incomplet, une vaccination de rattrapage ou une prophylaxie post-exposition permettront d’enrayer la propagation du virus.
Depuis presque 15 ans, la surveillance avait permis de faire chuter le nombre de cas et de réduire les pics d’épidémie printaniers. Les cas de la région Nouvelle-Aquitaine démontrent que ces efforts sont en voie d'être effacés par la négligence ou la résistance de certains à la vaccination.