Agnès Buzyn est restée professeur de médecine dans son approche du métier de ministre. si elle connait mal le métier du médecin de famille, ce que la profession ne va tarder à lui reprocher, elle connait en revanche bien l'importance de la psychiatrie dans la gestion de la plupart des maladies. Elle est aussi sans doute très influencée par l'ambition planétaire suscitée par Emmanuel Macron. Notre ministre de la santé fait sienne la stratégie de son président, qui veut persuader le monde du retour de notre pays au premier rang. Certes elle ne choisit pas un dossier économiquement facile, mais aussi, intelligemment, celui où la France à toujours joué un rôle essentiel : la psychiatrie. Il y a 50 ans les grands noms de la spécialité étaient Français. Les Denicker, Lacan, ou encore Henri Laborit, l’inventeur des neuroleptiques, avaient des réputations internationales. La communauté internationale attends le nom de leur sucesseurs.
La raison en est certainement la dureté du métier au quotidien qui ne laisse plus beaucoup de temps à la réflexion, à tous les niveaux de la profession. Des psychiatres de terrain aux chef de service. La fronde gronde. Les psychiatres en ont marre. Marre de faire un métier difficile ; l’actualité nous le rappelle souvent. Marre d’être considéré par leur confrère comme des médecins à part, marre d’être aussi mal considéré que ceux qu’ils traitent et que l’on appelle péjorativement les fous …
Notre ministre va dans leur sens en affiramant que la recherche en santé mentale et en psychiatrie n’était pas en France à la hauteur de la discipline notament en pédopsychiatrie.
Annonce suivi d’effets ? Le monde de la psychiatrie l’espère.
Agnès Buzyn s'engage à ce que cette situation cède... Et vite! Avec plus de moyens d'abord. Elle promet d'en faire une priorité de santé et surtout prouve qu'elle est très à l'écoute en proposant douze mesure d'urgence empruntées aux propositions qu'avaient déjà formulées les représentants de la profession en décembre. Une réactivité saluée par ces médecins présents lors de l'intervention de la ministre vendredi à leur congrès annuel, l''Encéphale qui se tenait à Paris.
La ministre veut également que l'image de la psychiatrie change à l'intérieur des professions médicales. Cela ne sera pas facile compte tenu du manque de connaissance de cette discipline chez les "autres" médecins, une attitude qui dure depuis longtemps. alors Agnès Buzin affirme dans une interview accordée au journal Le Monde que "Tous ces futurs praticiens effectueront un stage obligatoire en psychiatrie au cours de leurs études. Trois ou six mois, les modalités restent à discuter".
Le prix de cette mésentente se traduit d'ailleurs de façon tragique dans la vie quotidienne de ces malades. Les patients atteints de maladies chroniques meurent en général plus tôt que les autres, de maladies différentes (cardiovasculaires e grande partie) non diagnostiquées.
Une spécialité fondamentale
Pourtant le recours au psychiatre, pour une multitude de problèmes qu’eux seuls peuvent tenter de résoudre, devient de plus en plus nécessaire dans un monde qui se déshumanise et où les réseaux prétendrait gérer l’information et l’éducation. Et lorsque l’intention est là, il est pratiquement impossible de trouver un rendez-vous avant plusieurs mois, une éternité lorsque l’on souffre…
Les psychiatres du comité – toutes composantes de la profession unies pour une fois - crient leur mécontentement devant les autorités de tutelles qui refusent de les entendre et une administration qui leur demande un travail de secrétariat désormais plus important que le temps consacré aux patients. Il est vrai que souvent en psychiatrie les problèmes juridiques ne sont jamais très loin, mais la souffrance devrait passer au premier plan.
Un exemple : la psychiatrie chez l’enfant
La ministre insiste aussi sur la pédopsychiatrie, avec la volonté qu’il y ait au moins un poste de professeur de pédopsychiatrie par faculté de médecine, et une revalorisation du tarif de cette consultation spécialisée … A juste titre car cette discipline est essentielle mais encore plus mal aimée que les autres.
« Pas question d’envoyer mon fils chez le psychiatre… Il n’est pas fou ! ».
C’est au nom de cette réplique que les médecins hésitent toujours à confier les problèmes de l’enfance à celui qui pourtant saurait, souvent, soulager les lourdes responsabilités du métier de parents. Et c’est vrai qu’il y en a des raisons de consulter. Un enfant qui ne dort pas, a des troubles du sommeil, mange mal, voire tout simplement parce qu’il est toujours malade. Ensuite, parce qu’il apprend mal à lire, à écrire, qu’il ne travaille pas ou, a contrario, qu’il s’agit d’un surdoué. Egalement parce qu’il est trop émotif ce qui peut se traduire par de l’anxiété, un refus de se séparer de ses parents ou d’aller à l’école, de la timidité, de l’agressivité, des tics ou de la tristesse. Enfin, la vie relationnelle, c’est-à-dire le rapport avec les frères et sœurs ou les traumatismes liés à la drogue, au divorce ou à un drame familial. Vous l’entendez, beaucoup de bonnes raisons de s’entourer d’une aide psychologique. Où consulter ? Vous aurez le choix entre le secteur public et le secteur privé. Toutefois, il est certain que ce secteur souffre d’une image de tarifs élevés qui a confiné pendant longtemps le recours à ces traitements - souvent assez longs - à une clientèle aisée ou très motivée. Le secteur public offre donc l’intérêt de la quasi-gratuité des soins, mais dont toute la profession s’aacorde pour dire qu’il est « à la rue ». Que va-t-il se passer lorsque votre enfant ou vous-même serez dans ce circuit de soins ? Et bien d’abord une écoute soigneuse de vos problèmes, certainement pas la solution à l’issue de la première consultation mais, plus vraisemblablement, des rencontres régulières et assez fréquentes pour permettre - la plupart du temps sans médicaments - de retrouver le nœud du problème. Car c’est probablement la meilleure façon d’illustrer les désordres psychologiques que de les comparer à un cordage emmêlé où chaque membre de la famille tire un bout sans essayer de saisir d’où vient le nœud. C’est à la fois aussi simple et aussi compliqué que cela, mais si certains nœuds sont délicats à défaire, on sait en marine qu’il en existe fort peu d’indéfaisables.
Et là encore, il y a toujours la solution de trancher…