Difficile de se faire remplacer une dent sans y laisser des plumes… au niveau du portefeuille. Dans le dernier numéro de son magazine, l’association 60 millions de consommateurs s’est penchée sur les tarifs des prothèses dentaires, en passant au crible les données dans quarante villes françaises. Résultats : des écarts tarifaires allant jusqu’à 30 % entre les villes, alors que ce type de soins est très mal remboursé.
Des prothèses plus chères dans les zones attractives
Sans surprise, Paris remporte la palme de ville la plus chère. Le prix le plus fréquemment constaté pour la pose d’une couronne céramo-métallique y est ainsi de 704 euros, contre 519 euros pour la ville de Nîmes, la moins chère. Dans l’ensemble, relève le magazine, « les dentistes pratiquent des tarifs plus élevés en région parisienne, à Strasbourg, Lyon, ou encore dans certaines grandes villes du pourtour méditerranéen ». Pour des tarifs plus raisonnables, rendez-vous sur la façade atlantique, notamment en Bretagne et Pays de Loire.
Toutes ces variations de prix dessinent un paysage tarifaire « en totale déconnexion de la base de remboursement de la Sécurité sociale », dénonce 60 millions de consommateurs. Et pour cause : le remboursement sécu pour une prothèse céramo-métallique s’élève à seulement 75 euros. Quant aux complémentaires santé, elles plafonnent souvent à 200 ou 300 % du tarif conventionnel. D’où un reste à charge s’élevant souvent à plusieurs centaines d’euros, très dissuasif pour certains usagers.
Les patients, variable d’ajustement
Du côté de la Confédération nationale des syndicats dentistes (CNSD), la réaction n’a pas tardé. Brocardant une enquête « partielle et orientée », le syndicat rappelle que 80 % des actes dentaires sont pratiqués sans dépassement d’honoraire, et « à des tarifs très bas qu’il faudrait commencer par mettre à leur valeur réelle ». De fait, si les chirurgiens-dentistes ne semblent pas à plaindre, avec un revenu moyen supérieur à 100 000 euros par an, ce chiffre occulte de très fortes disparités.
Les prothèses, un des rares soins dentaires à tarif libre, constituent en fait la principale source d’honoraires des dentistes. Soumis à une concurrence accrue dans les zones attractives (métropoles, façade atlantique), ceux-ci salent la facture des soins prosthétiques afin de maintenir leurs revenus. Comme le résume la Sécurité sociale dans un rapport de 2010, les prothèses dentaires servent ainsi de « variable d’ajustement face à la concurrence ». Et les patients les plus démunis de se retrouver dans l’ornière.
Tractations en cours
Comme le remarque la CNSD, l’enquête de 60 millions de consommateurs n’intervient pas à n’importe quel moment. Dans sa campagne, Emmanuel Macron a promis de réduire le reste à charge à zéro pour les prothèses dentaires (ainsi les lunettes et les audioprothèses). Les négociations à cet effet, entre l’assurance maladie et les représentants des dentistes, ont repris le 23 janvier. Des discussions avec les complémentaires santé sont aussi en cours.
Comme toujours, la question de fond est simple : qui paiera la facture ? Du côté des dentistes, on réclame une revalorisation des tarifs sur les actes dentaires les plus courants, maintenus très bas par l’assurance maladie depuis des années. Du côté des complémentaires santé, on essaie d’échapper à une hausse des remboursements, sans doute inévitable. Quant à l’assurance maladie, elle a les difficultés budgétaires que l’on sait. Une équation complexe, qu’Agnèz Buyzin devra résoudre pour espérer rétablir une égalité d’accès aux soins dentaires.