La tentation serait grande de l’appeler « l’hormone de l’amour », si la marque n’était déposée. La kisspeptine, une petite molécule produite dans le cerveau profond, a de nombreux talents. Découverte en 2005 chez l’humain, elle est vite apparue comme une clé de voute dans la biologie de la reproduction. Elle joue ainsi un rôle majeur dans le déclenchement de la puberté et de l’ovulation, et peut-être dans l’induction du désir. Bref, elle tend à mettre les (autres) hormones en ébullition.
Du museau à la croupe
Des chercheurs européens regroupés autour de l’université de la Sarre, en Allemagne, ont encore renforcé l’idée déjà sympathique que l’on se fait de la kisspeptine. Dans un article publié dans Nature Communications, moins sexy à la lecture qu’on pourrait l’imaginer, ils ont montré que l’hormone jouait un rôle central dans la chaîne d’événements conduisant une souris femelle à se donner sans arrière-pensée à son mâle congénère.
Contrairement à nous autres primates, les rongeurs sont des animaux essentiellement olfactifs. L’équivalent d’une œillade perverse chez la souris consiste donc à renifler son congénère. Si le parfum a l’heur de lui plaire, une souris femelle bien disposée (en chaleur) pourra fort bien décider de céder à la tentation sur ce seul critère. Encore lui faut-il détecter qu’il s’agit d’un mâle, sans quoi la partie de pattes en l’air risque de s’annoncer peu concluante au plan reproductif.
Accouplement et ovulation
Dans le cerveau de la souris, plusieurs types de neurones produisent de la kisspeptine. Certains d’entre eux sont situés dans l’hypothalamus, une structure profonde du cerveau qui sert de gare de triage pour les stimuli sensoriels. Les chercheurs avaient déjà montré que ces neurones s’activaient lorsqu’une souris femelle détectait les phéromones d’un mâle. Cette fois-ci, ils ont pu établir que cette activation conduisait lesdites souris à manifester leur émoustillement sans ambigüité : en tendant la croupe.
Un circuit parallèle conduisait à l’activation des neurones de l’hypophyse (la principale glande endocrine du cerveau) capables de libérer la GnRH, une hormone bien connue pour déclencher l’ovulation. Autrement dit, les chercheurs ont mis à jour une bonne part des circuits neurobiologiques qui conduisent de la perception olfactive d’un partenaire potentiel à la mise en œuvre d’un comportement d’accouplement à visée reproductive.
Viagra féminin, à nous deux ?
« Chez beaucoup d’animaux les comportements sexuels sont synchronisés avec l’ovulation afin de maximiser les chances de fécondation, et donc de perpétuation de l’espèce », a expliqué Ulrich Boehm, professeur de pharmacologie clinique à l’université de Sarre et l’un des auteurs séniors de l’étude. « Jusqu’à présent, on en savait très peu sur la façon dont le cerveau liait ovulation, attirance et sexe. Nous savons désormais qu’une seule molécule, la kisspeptine, contrôle ces aspects. »
Et chez l’être humain ? Difficile de dire si la kisspeptine pourrait avoir un effet aphrodisiaque chez des animaux aussi compliqués que nous. Des études ont montré un effet modéré chez l’homme. Surtout, la petite hormone pourrait conduire à des progrès dans la longue et laborieuse quête d’un viagra féminin. Autant dire que les enjeux médicaux, et financiers plus encore, donnent toutes les raisons du monde de s’intéresser à cette molécule au nom providentiel. Kisspeptine, hormone du sexe ?