Une épidémie galopante de rougeole, qui a provoqué la mort d’une centaine d'enfants en Papouasie, dans l'est de l'Indonésie, risque de se répéter si les autorités n'agissent pas rapidement pour sortir cette province de la pauvreté et de l'isolement, selon des experts.
De nombreux villages pauvres dans le district d'Asmat sont géographiquement très isolés, tel le village d'Ayam, avec ses maisons sur pilotis. Une simple maison sans équipements modernes y fait office de clinique et les infirmières qui y prodiguent des soins sont débordées, ont constaté des journalistes de l'AFP qui ont pu y accéder.
Environ 800 enfants sont tombés malades et une centaine seraient morts, pour l'essentiel des bébés, à la suite de cette épidémie rendue publique au début du mois de janvier.
Réponse tardive des autorités
Face à la gravité de la situation, le président indonésien, Joko Widodo, a ordonné à des équipes militaires et médicales d'approvisionner en biens de première nécessité et en médicaments les villages isolés de la région, seulement accessibles par bateau ou par les airs pour la plupart.
La crise sanitaire qui frappe l’Asmat, cette province riche en ressources naturelles, s'explique par des décennies de négligence de la part d’autorités locales, peu soucieuses du développement des infrastructures. La corruption serait une tradition bien installée dans cette province lointaine et selon différents indicateurs, seule une très faible fraction allouée par le pouvoir centra se matérialise sous forme d'hôpitaux et de programmes alimentaires : la pauvreté y règne.
De nombreux papous y vivent dans des conditions de semi-nomadisme, dans des endroits de la jungle difficiles à atteindre et quasiment sans soins médicaux, ni écoles ou autres prestations de base, comme l'accès à l'eau potable.,
Le poids de l’histoire
L’Irian Jaya, la partie ouest de la Papouasie, a été annexée par l'Indonésie en 1969, à l'issue d'un conflit sanglant, et après plus d'un siècle de colonisation néerlandaise. Dans cette province, la région des Asmats est restée longtemps très isolée du fait de la jungle et des fleuves. Le cannibalisme rituel y était encore pratiqué jusqu’à une date récente.
L’ouverture de l'une des plus grande mine d'or et de cuivre à ciel ouvert au monde a changé la vision que les autorités avaient de cette région des Asmats. Les autorités ont créé de nouveaux districts et tentent de relocaliser nombre de Papous dans des villages. Mais ces changements forcent les habitants à s'adapter à un tout nouveau mode de vie et à une alimentation qui leur est néfaste. Le contact avec les autres populations s’est également révélé dévastateur. Les Asmats rejettent en général la vaccination contre la rougeole qui est pourtant très efficace.
Un sous-développement persistant
La région des Asmats est pauvre et bénéficie en théorie d'aides financières importantes du gouvernement central, mais la plupart des fonds n'est pas utilisée pour l'amélioration des services de santé et d'éducation.
La mine, exploitée par la multinationale américaine Freeport-McMoRan, rapporterait chaque année 600 millions de dollars (482 millions d'euros) en recettes fiscales mais cette argent ne profite pas aux Asmats, comme le relève Andreas Harsono, de l'ONG Human Rights Watch (HRW).
La rougeole n’est pas une maladie bénigne
La rougeole est une maladie infectieuse d’origine virale et très contagieuse. Elle est liée à un "paramyxovirus" et donne des boutons rouges. Elle se transmet principalement par voie aérienne, par exemple lorsqu’un malade contagieux tousse. Mais les signes précoces de la rougeole (fièvre, yeux rouges, toux et douleurs du ventre), c'est-à-dire avant l'apparition des boutons, sont peu évocateurs, ce qui expliquerait qu'une personne infectée en contamine généralement 15 à 20 autres selon les spécialistes.
La rougeole peut se compliquer, en particulier chez des nourrissons ou chez des personnes fragiles, et conduire à une hospitalisation. C’est tout d’abord une pneumonie en rapport avec une surinfection par une bactérie. Il s’agit d’une infection grave du poumon qui peut conduire le malade en réanimation. C’est ensuite un risque d’infection virale du cerveau (« encéphalite »). Ces complications peuvent entraîner le décès ou donner des séquelles pulmonaires et neurologiques à vie.
« J'espère que cette crise va aider certaines personnes ici, du moins celles qui sont au pouvoir, à changer d'attitude, car si elles choisissent de faire comme d'habitude, une autre crise éclatera également l'an prochain », a mis en garde Andreas Harsono, représentant de Human Rights Watch (HRW).