Partout dans le monde, le mouvement anti-vaccin rend perplexes les professionnels de la santé publique. Devant l’échec des campagnes d’information qui tentent de renverser une tendance désormais bien installée, notamment dans le monde anglo-saxon et en France, les psychologues et sociologues essaient de comprendre les raisons sous-jacentes de cette attitude a priori peu rationnelle, et qui peut s’avérer dangereuse.
Dans une étude parue récemment dans Health Psychology, des chercheurs en psychologie de la santé de l’université du Queensland, en Australie, se sont penchés sur les déterminants de cette méfiance. Pour ce faire, ils ont mené un sondage international d’une ampleur inédite : 5000 personnes ont été interrogées sur leurs opinions vis-à-vis de la vaccination des enfants, dans 24 pays. Parmi eux, beaucoup de pays occidentaux, dont la France, mais aussi l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud.
Pas d’influence du niveau d’éducation
Parmi les quatre critères évalués sur la base d’études précédentes, l’un sort clairement du lot : le complotisme. Quatre théories en vogue avaient été retenues pour évaluer la propension des gens à prendre des vessies pour des lanternes : l’assassinat de Kennedy, la mort de la princesse Diana, l’existence d’un Nouvel ordre mondial (Bilderberg, Illuminati…) et les attentats du 11 septembre.
Au final, l’appétence au complotisme expliquait 10 % de la variance des opinions sur la vaccination, dans le modèle à quatre variables adopté par les chercheurs. Cette tendance était particulièrement marquée dans le monde anglo-saxon (Royaume-Uni, États-Unis, Australie, Canada) et en Allemagne. Fait notable, le niveau d’éducation ne semblait pas jouer de rôle particulier.
Parmi les autres prédicteurs évalués par les chercheurs, la réactance s’affichait en deuxième. Il s’agit d’un trait psychologique proche de l’esprit de contradiction, qui consiste à rejeter les choix ou les opinions émanant d’autrui. Venaient ensuite le rejet des aiguilles et du sang et, loin derrière, l’adhésion à une vision du monde fondée sur la primauté de l’individu.
La communication est un sport de combat
"Pour beaucoup d’adeptes des théories du complot, les profits dégagés [par les groupes pharmaceutiques] sont le signe d’une faillite du système, et la preuve que la vérité est dissimulée au profit d’intérêts privés", a expliqué Matthew Hornsey, premier auteur de l’étude, dans un communiqué.
Les chercheurs préconisent ainsi d’adopter une communication moins frontale, qui tienne compte des motivations sous-jacentes des gens. Une approche qu’ils surnomment jiu jitsu, en référence à cet art martial japonais qui s’attache à retourner à son avantage la force de l’adversaire.
"Essayer de réduire les croyances conspirationnistes est notoirement difficile, indique Matthew Hornsey. Une alternative consiste à reconnaître la possibilité de complots, mais en s’attachant à montrer qu’il existe aussi des intérêts privés de l’autre côté, chez ceux qui cherchent à minimiser les bénéfices de la vaccination et à en exagérer les dangers."