Nommé à la tête du Centre de lutte contre le cancer de Strasbourg le 15 novembre 2017 par la ministre de la Santé Agnès Buzin pour une durée de cinq ans, après consultation du conseil d’administration du centre Paul Strauss et de celui d’Unicancer, le professeur Xavier Pivot touche un salaire annuel de 300 000 euros net, en plus d’une indemnité logement, selon les révélations du Canard Enchaîné. Soit deux fois plus que son prédécesseur, le Professeur Yacine Merrouche.
Les arguments de l'Agence régionale de santé
Si la polémique autour de ce salaire a enflé, c’est que Christophe Lannelongue, directeur de l'Agence régionale de santé (ARS), a employé des arguments plus que discutables pour justifier cette somme : Xavier Pivot a "une famille" et la vie à Strasbourg est "chère". Un peu limite. Selon lui, cette rémunération serait basée sur celles des directeurs de l'Institut Curie et du centre anti-cancer Gustave Roussy. Mais suite à un rapport de la Cour des Comptes, la rémunération du directeur de l’Institut Curie est passée de 545 000 euros brut à 136 000 euros brut par an, soit moins que celle de Xavier Pivot. Là encore, c'est un loupé. Comment donc expliquer un tel salaire ? Et surtout, est-il justifié ?
Qui est Xavier Pivot ?
Oncologue médical spécialiste reconnu dans le cancer du sein, il était auparavant chef de pôle de cancérologie (Hématologie-Radiothérapie-Oncologie médicale) au Centre Hospitalier Régional Universitaire (CHRU) de Besançon où il était à la tête d’une équipe d’oncologues, de radiothérapeutes et d’hématologues, ainsi que directeur médical de l’Institut Régional Fédératif du Cancer (IRFC) de Franche Comté. Membre actif de l’institut National de la Recherche Scientifique Médicale (INSERM) mais aussi directeur médical de l’Institut Régional Fédératif du Cancer, il a rédigé plus de 200 publications scientifiques et s'est exprimé plusieurs fois dans les médias pour communiquer sur l'avancée des traitements, notamment pour le cancer du sein.
Quel rôle joue-t-il dans la recherche ?
En 2012, le Pr Xavier Pivot présentait lors de la 48e conférence annuelle de l’American society of clinical oncology, (ASCO) de Chicago, un nouveau traitement contre le cancer du sein sans chimio. "Ce traitement, le T-DM1 repose sur un concept très intéressant, il permet d’apporter la chimiothérapie au cœur de la cellule tumorale et de la détruire sans toucher les autres cellules", expliquait-t-il à l’Est Républicain.
Avec cette nouvelle approche thérapeutique, "la patiente ne subit plus les effets secondaires de la chimiothérapie, ni chute de cheveux, ni fatigue, ni ongles noirs. Les essais cliniques augmentent de 30 % l’efficacité du traitement pour ce type de cancer que, jusqu’à maintenant, nous stabilisions dans 40 à 60 % des cas. Nous atteignons désormais 90 % d’efficacité. Sept autres médicaments sont en tests selon ce principe de missile envoyé dans les cellules malades, et 35 autres médicaments sont en construction. Cet anticorps est le premier de sa génération. Avec lui, nous pouvons imaginer traiter le cancer en se passant - presque - de la chimiothérapie".
Un traitement révolutionnaire "à l'horizon 2020"
Dans une interview accordée aux Petites Affiches en 2016, le Pr Xavier Pivot, à l’époque responsable de la recherche à l’INCA, annonçait des progrès thérapeutiques déterminants en génétique pour traiter certains cancers. "Pour le cancer du sein de type HER2, après tous ces efforts, je suis heureux de pouvoir affirmer que la révolution thérapeutique va arriver prochainement, à l’horizon 2020, se réjouissait-il. Quatre traitements majeurs seront disponibles dès le mois de juin. Il faut se souvenir qu’en 2005, on ne guérissait que 40% de ces cancers, alors qu’avec les traitements actuels, il n’y a quasiment plus de cas de récidive. On mesure le pas énorme qui a été franchi".
Le cancer tue 150 000 personnes par an en France
En 2017 en France, environ 400 000 nouveaux cas de cancers et 150 000 décès ont été recensés. En moyenne, 54 000 nouveaux cas de cancer du sein sont diagnostiqués chaque année et environ 12 000 décès sont comptabilisés. Guérir d’un cancer du sein dépend de plusieurs facteurs, dont l’âge, la taille et le type de la tumeur ainsi que le stade de la maladie. Généralement, un diagnostic précoce de la tumeur a plus de chance d’être traité avec succès : la survie à 5 ans est de 99 % pour un cancer du sein détecté à un stade précoce, elle est de 26 % pour un cancer métastasé.
L'inégalité des salaires français
Si elle a déjà fait d'énormes progrès, la recherche doit persister afin de trouver des traitements plus efficaces pour lutter contre le cancer. Et la France, leader mondial dans la recherche contre le cancer du sein ne saurait se priver d'oncologues comme le Pr Xavier Pivot. Tout comme elle n'a pu se priver de joueurs comme Neymar dans son équipe de foot parisienne. Une question subsiste donc : est-il indécent de payer un professeur en cancérologie 300 000 euros net par an, alors que certains sportifs sont payés plusieurs millions ?