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QUESTION D'ACTU

Réforme de la santé

Agnès Buzyn et les dépenses de santé excessives : le Pr André Grimaldi répond

Contrairement à la ministre de la santé, Agnès Buzyn, qui a déclaré sur France Info que la France dépensait trop pour sa santé, le Professeur André Grimaldi pense surtout qu’elle dépense mal.

Agnès Buzyn et les dépenses de santé excessives : le Pr André Grimaldi répond photographyMK/epictura




La France dépense-t-elle trop pour la santé, c’est l’avis d’Agnès Buzyn, la Ministre de la santé qui était l’invitée de France Info ce vendredi 9 janvier. Elle a justifié les coupes budgétaires prévu par le gouvernement dans différents postes, et notamment pour la santé, sur le fait que la France dépenserait 12% de son PIB contre 9% en moyenne pour l’OCDE.

Une présentation biaisée des chiffres

D’une part, la France dépense juste en dessous de 11% de son PIB ce qui est très largement comparable à l’Allemagne, la Suède, le Japon, le Canada, mais beaucoup moins que les Etats-Unis et beaucoup plus que l’Inde, la Turquie ou l’Indonésie. Il faut donc comparer ce qui est comparable, d’autant la comparaison en dépense par habitant est beaucoup plus favorable et que les résultats en termes d’espérance de vie et de qualités des soins sont souvent bien meilleures.

Un médecin humaniste et rigoureux

Le Pr André Grimaldi, diabétologue, ancien chef de service à la Pitié-Salpêtrière à Paris et pourfendeur des approximations des cabinets ministériels, considère qu’il est nécessaire d’apporter quelques corrections à cette vision qui lui semble par trop caricaturale.
Contempteur de la Tarification à l'Activité (la T2A), une des causes du déficit organisé à l'hôpital, il veut faire entendre la voix de tous les soignants dans le débat sur la santé, et pas seulement pour l'hôpital. Ci-dessous le texte de sa communication :

L'analyse du Pr André Grimaldi

L’interview de la ministre de la santé sur France info laissant entendre que la France dépense trop pour la santé interpelle, faisant craindre une politique d'austérité voulant ramener la France au niveau de l'Espagne ou de l'Italie.

La réalité est que nous ne dépensons pas trop mais que nous dépensons mal !

Les données 2017 de l'OCDE nous placent 5ème sur 35 pays en pourcentage du PIB avec 10.9%, derrière les USA (17.2%), la Suisse, l'Allemagne et la Suède, un peu devant le Japon 10.6% les Pays Bas 10.5%, la Belgique, le Danemark et l'Autriche, tous trois à 10.4%
Mais en dollars dépensés par habitant nous sommes 14ème sur 35 avec 4600 USD par habitant pour une moyenne des pays de l'OCDE de 4003 USD. L'Allemagne dépense 5551 USD par habitant et le petit Luxembourg 7483 alors que sa dépense en pourcentage du PIB est très faible à 6.3% seulement !
Nous connaissons bien en médecine l'utilisation opportuniste de la présentation des résultats en risque relatif ou en risque absolu. Il faut évidemment exprimer les données des deux façons : en pourcentage et en valeur absolue).

Nous dépensons mal à cause :

1. De la double gestion Sécurité sociale et Assurances complémentaires, qui sont en doublon (7 milliards x 2 = 14 Mds)

2. Des modes de rémunération et de financement par nature inflationnistes (paiement à l'acte et tarification à l’activité ou T2A) poussant à la multiplication d'actes et à la prescription d'examens de biologie ou d'imagerie, non pertinents

3. Du retard à la construction d'un vrai service médical de premier recours ce qui entretient l'hospitalo-centrisme (avec plus de 18 millions de passage chaque année aux Urgences)

4. Des rentes (prix élevé des génériques en France qui est le double du prix anglais, coût exorbitant non justifié des nouveaux médicaments notamment en cancérologie, médicaments peu ou non efficaces remboursés à 15% ou 35%, cures thermales, homéopathie...

5. Des tarifs non régulés de l'optique, du dentaire et des audioprothèses

6. De l'inflation des transports sanitaires (atteignant 4.8 milliards d'euros soit + 4.4%)

La France a cependant un point fort

Le point fort de la France c'est le taux élevé de remboursement par la Sécurité Sociale à 77%, mais avec un décrochage à moins de 50% pour les soins courants (fragilisant le principe de solidarité selon lequel les biens portants paient pour les patients notamment ceux atteints de maladies chroniques), un reste à charge en moyenne de 8.3%, mais avec des disparités très importantes et un accroissement des inégalités sociales de santé

Le problème n'est donc pas de dépenser moins mais de dépenser juste !

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