L'aorte est l'artère principale de l'organisme, qui part du ventricule gauche du cœur et apporte du sang oxygéné à tous les organes et tissus qui composent le corps. Elle est divisée en trois segments : l'aorte ascendante, l'aorte descendante et la crosse aortique. La dilatation progressive de l’aorte ascendante est considérée comme l'une des manifestations les plus graves de la maladie de Marfan, une pathologie génétique rare qui touche le tissu conjonctif du corps, c'est à dire les tendons, les ligaments, les articulations, les muscles, les vaisseaux sanguins, le coeur et les yeux. Cette dilatation peut entraîner à la fois une insuffisance de la valve aortique (un retour du flux sanguin vers le ventricule gauche du coeur) et une insuffisance cardiaque, ou alors une dissection aortique et une mort subite.
Certains traitements médicamenteux antihypertenseurs semblent pouvoir atténuer la progression de cette dilatation aortique, mais tous, ne préviennent pas la maladie. Une nouvelle étude parue dans la revue The American Journal of Pathology confirme l'efficacité du losartan, l'un des deux médicaments recommandés dans ce cas, mais démontre que le mécanisme qui explique l’efficacité est différent de ce que l'on pensait auparavant. Cette étude, publiée dans la revue The American Journal of Pathology, ouvre de nouvelles opportunités dans la prise en charge de la maladie de Marfan.
Une action directe sur la paroi artérielle
Le losartan, un antihypertenseur de type ARA2, est couramment utilisé dans la maladie de Marfan pour prévenir ou retarder la dilatation de l’aorte ascendante qui est la principale complication de cette maladie du tissu conjonctif. Aujourd’hui génériqué, il est recommandé en raison de propriétés anti-remodelage vasculaire (augmentation de la lumière ou de l’épaisseur de la paroi artérielle), qui manquent à d'autres antihypertenseurs, tels que les inhibiteurs de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (ACEi), pourtant aussi efficaces sur la pression artérielle et proches sur le plan pharmacologique.
Cette nouvelle étude démontre néanmoins que le bénéfice des traitements efficaces n’est pas seulement lié à l’effet hypertenseur, mais à un effet direct sur le tissu conjonctif via l'activation de la fonction endothéliale et la libération d'oxyde nitrique.
Un modèle de souris hypotendues
En collaboration avec des chercheurs de l'Institut de recherche de l'Hôpital pour enfants de la Colombie-Britannique, l'équipe a utilisé des souris génétiquement modifiées pour avoir une maladie de Marfan et les a croisé avec des souris hypotendues au rythme cardiaque lent (les 2 principaux facteurs de risque de la dilatation aortique), mais exprimant une activité ATR1 faible.
À leur grande surprise, la progéniture a développé quand même une maladie de l’aorte ascendante agressive, en dépit d’une pression artérielle initialement basse et d’une bradycardie, maladie qui, par contre, est restée totalement sensible au losartan. Ce modèle démontre un éventuel effet "hors cible pression artérielle" du losartan avec une amélioration de la cinétique de la paroi artérielle anti-remodelage via une augmentation de la libération d'oxyde nitrique.
Un changement de paradigme
"Du point de vue des résultats, nos données appuient le concept selon lequel la réduction de la tension artérielle et l’amélioration de l'hémodynamique cardiaque (l'écoulement du sang dans les vaisseaux, ndlr) pourraient avoir une faible valeur thérapeutique dans le syndrome de Marfan, alors que l'amélioration des fonctions endothéliales (de la paroi des vaisseaux) pourrait être préférable", explique le Dr Pascal-Nicolas Bernatchez, du Département d'anesthésiologie, pharmacologie et thérapeutique, Université de la Colombie-Britannique, Vancouver.
Une hyperlaxité majeure
La maladie de Marfan est un trouble du tissu conjonctif héréditaire qui touche 1 personne sur 5000 à 10 000. Les personnes affectées ont des mutations sur le gène de la fibrilline-1 ce qui perturbe la formation et la stabilisation des fibres élastiques dans les parois des vaisseaux sanguins et d'autres tissus. La manifestation la plus grave de la maladie de Marfan est la dilatation progressive de l’aorte ascendante avec un risque accru d’insuffisance valvulaire et une dilatation de l’aorte initiale (anévrisme aortique) qui est normalement directement soumise au jet d’éjection de sang qui sort du cœur.
D'autres problèmes peuvent survenir dans les poumons, les yeux, les os, les articulations et la moelle épinière. Les personnes souffrant d’une maladie de Marfan sont souvent grandes et minces, avec de longs membres, de longs doigts et orteils (aspect "arachnéen").