Artères carotides presque bouchées par des plaques d’athérome, après plusieurs accidents vasculaires cérébraux a minima, mais annonciateurs d’un accident grave, Alain Garnier, 94 ans, a du se résoudre à se faire opérer. Il a raconté ce qui s'assimile plutôt à un calvaire au Journal de la Saône-et-Loire, jeudi 15 février.
Des douleurs insupportables
L’opération visant à déboucher une des 2 artères carotides, à l’origine des troubles, a été réalisée sous anesthésie locorégionale. Jusque là rien d’inhabituel. Mais la douleur est devenue rapidement insupportable au cours de l’intervention, traduisant manifestement un échec , au moins partiel, de l’anesthésie locorégionale.
Devant ses hurlements répétés et son agitation croissante, une 2ème dose d’anesthésique lui aurait été injectée sans plus de succès. Malgré les souffrances insupportables infligées à Alain, le chirurgien a refusé d’interrompre l’intervention : « J’ai commencé, il faut que je termine ». L'anesthésiste n'a pas semble-t-il fait de sédation, ni d'anesthésie générale, ce qui aurait été une autre solution.
L’opération s’est heureusement bien terminée, mais le malade et son épouse n'ont eu aucune explication et, traumatisé, Alain Garnier préfère mourir que de se faire opérer de l’autre artère carotide (également presque bouchée).
Une opération habituelle
L’opération d'un rétrécissement, ou "sténose", de la carotide, consiste à enlever la plaque d'athérome, avec ses débris et ses caillots, qui bouchent presque complètement une ou les 2 artères carotides à l'origine de l'irrigation du cerveau.
Cette chirurgie s'appelle une endartériectomie carotidienne car l'on enlève uniquement la partie interne de l'artère (intima + une partie de la média). La chirurgie carotidienne est le traitement le plus efficace des sténoses carotidiennes à risque élevé d'AVC, ou lorsqu’il y a eu des épisodes mineurs d’AVC.
Une opération d'environ 2h00
Après incision de la peau et dégagement de l'artère, le chirurgien interrompt la circulation dans la carotide à l’aide de « clamps » en amont et en aval de la sténose (un clamp est un instrument métallique qui permet de pincer l'artère de façon à empêcher le sang de passer).
Sous anesthésie locorégionale, l'anesthésiste discute avec le malade opéré afin d'être certain que le cerveau reçoit bien suffisamment de sang par l'autre carotide et par d’autres artères après le clampage de l'artère malade : il existe en effet des systèmes de substitution, mais le risque est qu'ils soient aussi bouchés. C'est pour cela que l'on préfère que la malade soit conscient.
Le chirurgien ouvre alors la carotide et enlève la plaque d'athérome, ainsi que tous les débris, puis il referme minutieusement l'artère à l'aide d'un fil très fin. Dès que l'artère est refermée le chirurgien enlève les clamps pour rétablir la circulation du sang dans la carotide débouchée.
Une anesthésie générale ou locorégionale
L'opération de la carotide peut être réalisée sous anesthésie générale ou sous anesthésie locorégionale. L'anesthésie générale consiste à endormir complètement le malade et à le ventiler artificiellement. Chez une personne de 94 ans, qui a forcément d’autres maladies, il est probable que le choix d’une anesthésie locorégionale soit préférable pour limiter les risques opératoires. Plusieurs études ont cependant démontré l’équivalence des 2 techniques avec des malades aussi âgés, voire les risques inférieurs avec l’anesthésie locorégionale.
En cas d'anesthésie locorégionale, avant l'intervention, un médicament est injecté au patient (prémédication) de façon à lever son anxiété et à lui permettre d'être détendu. L'anesthésie locorégionale consiste à injecter un produit anesthésique au contact de certains nerfs du cou, ce qui supprime la douleur à ce niveau. En dehors de cette période de test l'anesthésiste injecte, si nécessaire, des médicaments pour permettre au patient de somnoler.
Que s’est-il passé ?
D’une manière générale, l’anesthésie locale ou locorégionale est bien acceptée par les malades. Habituellement, de petites doses d'opioïde fort, du fentanyl, suffisent à calmer les personnes qui supportent mal le stress de l’intervention. Mais il est toujours possible que des malades mal informés restent très angoissés.
Par contre, il arrive parfois que des patients particulièrement angoissés, et sans prémédication sédative, soient dans un état tel que le bloc et l’opération soient impossibles à réaliser. On recourt alors à une sédation forte avec un médicament, le propofol, qui permet au chirurgien de bien compléter l’anesthésie locorégionale en infiltrant méticuleusement la gaine qui entoure les carotides et qui, étant très serrée, peut limiter la diffusion des produits anesthésiants. Il est aussi possible de convertir une anesthésie locorégionale en anesthésie générale. C'est pour cela qu'un anesthésiste est toujours là.
Rareté des résistances à l’anesthésie
Les résistances à l’anesthésie locorégionale sont très rares lorsqu'elles sont bien réalisées : moins de 3 pour mille dans une très large série italienne, et dans ce cas, l’anesthésiste peut lancer immédiatement une procédure d’anesthésie générale afin d’éviter toutes souffrance au malade et permettre au chirurgien d’opérer correctement. Cela n'a pas été fait avec Alain Garnier, peut-être en raison de contre-indications à l'anesthésie générale.
L’hôpital de Châlon-sur-Saône a beau se retrancher derrière le secret médical, secret qui n’est d’ailleurs pas opposable au malade, et affirmer que "toutes les mesures de sécurité au bloc opératoire ont été prises pour assurer la bonne santé du patient", une superbe phrase qui fleure bon la langue de bois, il devrait immédiatement bien expliquer à Alain Garnier et à sa famille ce qui s'est passé, c'est le meilleur moyen d'éviter les ennuis.