ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Enfants séquestrés: le retour à la vie normale se fera par palier

Libération des 7 otages au Cameroun

Enfants séquestrés: le retour à la vie normale se fera par palier

Par Cécile Coumau avec Bruno Martrette

Après deux mois de captivité, la famille Moulin-Fournier a été libérée. Parmi les 7 otages, 4 enfants. De retour samedi à Paris, ils devront se remettre lentement de ce traumatisme. 

(REINNIER KAZE / AFP)
MOTS-CLÉS :

La famille Moulin-Fournier est enfin libre. La bonne nouvelle est arrivée ce vendredi 19 avril. Les sept membres de cette fratrie, enlevés il y a deux mois au Cameroun par le groupe islamiste nigérian Boko Haram, ont tous été libérés sains et saufs. Ils ont rejoint dans la matinée l’ambassade de France à Yaoundé.
Parmi les otages, figuraient des enfants, quatre garçons âgés de 5 à 12. Après autant de jours de captivité, quelles peuvent être les séquelles psychologiques chez des enfants aussi jeunes ? Comment se fait le retour à la vie normale, à l'école ?

Les réponses avec le Pr Louis Jehel, chef du service de Psychiatrie et Psychologie médicale au CHU de Fort-de-France.


Les risques de symptômes et séquellles 

Pr Louis Jehel:  Bien sûr, après une période de séquestration aussi longue, les risques de symptômes post-traumatiques et dépréssifs sont très importants. Il peuvent apparaître après deux mois. L'épuisement est la première phase. Après, les séquelles possibles peuvent être associés à la reprise de jeux spécifiques que l'on retrouve chez les enfants traumatisés. Ces jeux seront le plus souvent répétitifs et feront directement référence au traumatisme qu'ils ont vécu.
Mais on verra des symptômes surtout le soir, avec des difficultés d'endormissement, des cauchemars, des réveils en sursaut, bref des grandes peurs de la nuit. Ces phénomènes peuvent durer au moins 6 mois, voir plus longtemps. Après tout dépend de l'état antérieur de la famille, c'est-à-dire si la famille était ou pas soudée avant l'évènement traumatisant.

 

Les recommandations

Pr Louis Jehel: Avant tout, les symptômes doivent être pris de manière singulière pour chaque enfant. Il faut mettre à leur dispostion des professionnels de santé pour les aider. Cela avant la retour à l'école. 
Mais, l
a recommandation dans ce type de situation, c'est plutôt d'établir avec les enfants des paliers. Par exemple, s'ils ont des symptômes trop sévères, il n'est pas question de retourner à la vie normale trop vite. Mais le retour à l'école est souhaitable car elle peut être bénéfique pour ces enfants en terme de diversion vis-vis à des évènements qu'ils ont vécu.
En classe, les exercices de concentration pourront être difficiles mais ils apprendront à ces enfants à se concentrer sur autre chose que la survie. Enfin, les enseignants doivent bien évidemment recevoir eux aussi des recommandations. Conclusion, il faut un suivi particulier pour des enfants qui ont vécu des évènements hors-normes. »

 

Le rôle des parents, et de la famille...

Pr Louis Jehel: « Le fait qu'ils aient été ensemble durant la séquestration est un élement fort. Comme les parents ont été fragilisés, il y a un besoin absolu de les prendre en charge pour qu'ils puissent retrouver le plus tôt possible la capacité à aider leurs enfants. Bien sûr, l'élement de culpabilité peut être important chez les parents, il faut alors les soutenir pour que cet élement là soit clarifié.
Ensuite, l'éternelle question, faut-il en parler ou pas ? Pour moi, il est très important d'en reparler mais également d'en sortir un peu. La difficulté en réalité, c'est des savoir où mettre le curseur. Il faut trouver du temps et surtout écouter la liberté de choix des enfants, c'est-à-dire les laisser en parler quand eux le souhaitent. Le noyau familial est donc très important. Les autres membres de la famille doivent aussi trouver un positionnement. Encore une fois, ce n'est pas la peine de trop en reparler car cela ramène à chaque fois les personnes traumatisées dans l'horreur de ce qu'ils ont vécu ».