Un rapport de l'ONG Générations futures dénonce la présence de résidus de pesticides dans plusieurs fruits et légumes que nous consommons au quotidien. Si la plupart des études de l'ONG se basent sur la qualité des produits vendus dans le commerce, cette fois elle s'appuie sur les données officielles de la direction générale de la répression des fraudes (DGCCRF) entre 2012 et 2016 : Générations futures a classé 19 fruits et 33 légumes non issus de l'agriculture biologique, selon leur probable niveau de toxicité. 30 échantillons de chaque fruit et légume ont été étudiés, soit un total de 11 103 échantillons.
Le raisin, le fruit le plus contaminé
Selon les analyses de la DGCCRF, le fruit le plus pollué entre 2012 et 2016 était le raisin : 89% des échantillons contenaient des résidus de pesticides. De même que les clémentines/mandarines (88,4%), les cerises (87,7%), les pamplemousses (85,7%), les fraises (83%), les nectarines (82,8%), les oranges (80,6%), ou encore les pommes (79,7%). A l'inverse, les fruits les moins pollués sur cette période étaient les kiwis (27,1%) et les avocats (23,1%). "Pour les fruits, nous avons pu constater, en moyenne, la présence de résidus de pesticides quantifiés dans 72,6% des échantillons analysés", affirme l’ONG.
"La DGCCRF ne communique que sur des moyennes par famille de produits, des résultats qui ne sont pas toujours représentatifs ni réguliers puisque tous les aliments ne sont pas surveillés tous les ans ou alors en nombre trop faible, remarque François Veillerette, président de Générations futures. Nous avons choisi d’agréger les données sur cinq ans, aliment par aliment, pour avoir une taille d’effectifs plus importante et lisser les aléas par exemple climatiques".
Est-ce les fruits ou les légumes qui sont le plus concernés par une présence de résidus de pesticides ? #EtatDesLieux #RésidusPesticides #Edition2018 Pour en savoir plus téléchargez notre rapport disponible en ligne https://t.co/g6mwhK4eic pic.twitter.com/hi2pzZz5Tw
— Générations Futures (@genefutures) 20 février 2018
Le céleri blanche, le légume le plus pollué
Le céleri blanche est le légume le plus contaminé (84,6%), suivi par les herbes fraîches (74,5%), les endives (72,7%), les céleris raves (71,7%), la laitue (65,8%), les piments/poivrons (60,5%), les pommes de terres (57,9%), les haricots non écossés (54,9%), les poireaux (51,5%), les melons (49,7%), les carottes (48,9%) ou encore les tomates (48,9%). Les légumes analysés durant ces cinq années et les moins pollués seraient les betteraves (4,4%), les asperges (3,2%) et le maïs (1,9%).
Globalement, 41% des légumes analysés étaient contaminés. En revanche, "certains légumes sont plus rustiques ou enterrés et reçoivent moins de pesticides car une partie reste sur les feuilles ou sur le sol, justifie François Veillerette. C’est un travail de compilation inédit en France. Il y avait une demande des consommateurs : faute de données sur notre territoire, ils se tournaient vers des études nord-américaines alors que les substances actives autorisées ne sont pas les mêmes ni les méthodes de production".
« Le citoyen et consommateur doit pouvoir être en possession de ces informations détaillées pour formuler des demandes auprès des pouvoirs publics. » @Veillerette #PointPresse #RésidusPesticides #rapportexclusif
— Générations Futures (@genefutures) 20 février 2018
Quelles conséquences pour la santé des consommateurs ?
L’ONG n’indique cependant pas les taux de pesticides retrouvés dans chacun des échantillons. Il est donc difficile de quantifier les risques réels pour la santé. Mais "la présence de résidus de pesticides n’est pas inquiétante en soi pour la santé puisqu’ils font l’objet d’une réglementation", assure au Monde Jean-Pierre Cravedi, toxicologue et directeur de recherches à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA). Cependant, "il y a un risque en cas de consommation régulière ou systématique d’un fruit ou d’un légume qui dépasse la LMR pour le même pesticide, ce qui est peu probable".
Les effets délétères des pesticides sont bien identifiés et régulièrement dénoncés – pas assez, toutefois, pour modifier les techniques agricoles et légiférer contre leur utilisation. En janvier 2014, plus d’un millier de médecins anonymes ont signé une tribune pour alerter sur les conséquences visibles des produits phytosanitaires : maladie de Parkinson, cancer de la prostate, du sang, malformations congénitales, infertilité, obésité, puberté précoce... "Les impacts de l’agriculture industrielle sont nombreux, de la pollution des sols et de l’eau au déclin des abeilles et autres pollinisateurs, en passant par les effets néfastes pour la santé des agriculteurs, de leurs familles et des consommateurs", affirmaient les médecins.
Plusieurs agriculteurs intoxiqués
En 2016, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) publiait également un rapport sur les maladies engendrées par l'utilisation des pesticides. L’exposition des travailleurs aux produits phytopharmaceutiques demeure largement sous-documentée, faute d’études indépendantes, soulignait l’Anses. Le nombre d’agriculteurs exposés s’élève à un million, mais c’est sans compter les "centaines de milliers de travailleurs non permanents ainsi que plusieurs dizaines de milliers de stagiaires".
"Les préoccupations de santé au travail relatives à l’exposition aux pesticides des personnes travaillant dans l'agriculture sont prises en compte de façon très hétérogène et parfois réduite lors de la formation initiale destinée à ces personnes", précisait l'Anses. En 2015, Pourquoi Docteur avait rencontré Paul François, un agriculteur intoxiqué au pesticide en 2004. Ce dernier avait évoqué des problèmes d'ordre neurologique, "des tâches au cerveau qui évoluent", avec pour conséquence des douleurs dans les jambes, les mains et des maux de tête parfois tellement violents qu’ils l'obligent à l'hospitalisation. "Je pensais que j’étais bon pour une grosse migraine [...] j’ai fait 12 comas en 3 mois", nous avait-il expliqué.