L’essentiel de la prévention en santé publique se fonde sur un schéma : susciter un changement de comportement en jouant sur une émotion négative. La cigarette donne le cancer et favorise les maladies cardiovasculaires – « fumer tue ». La vitesse est impliquée dans un tiers des accidents de la route – « Ce jour-là, je l'ai tuée »... Les exemples sont innombrables, qui jouent tous sur le même ressort : la peur.
Le problème de l’appel à la peur, c’est que si cette stratégie permet de modifier les attitudes des gens, voire leurs intentions, elle s’avère assez peu opérante dès lors qu'on mesure les comportements effectifs. Les gens sont informés, voire convaincus, mais ne modifient pas leurs actes pour autant. C’est le syndrome de la « bonne résolution » : celle qui échoue neuf fois sur dix.
Une lueur dans le noir
Deux chercheurs américains en communication viennent de publier un article sur le sujet, qui appelle à un porter un regard différent sur la prévention. Si l’appel à la peur est utile, car il permet d’attirer l’attention et de sensibiliser sur un problème de santé publique, ils estiment qu’une autre dimension émotionnelle intervient pour amener de l’information à l’action : l’espoir.
Afin évaluer leurs hypothèses sur le rôle de l’espoir, les chercheurs ont imaginé deux expériences. Dans l’une d’elles, 382 étudiants ont dû visionner une vidéo de sensibilisation sur le mélanome (éditée pour évoquer un appel à la peur classique), puis répondre à une série de questions sur les sentiments qu’ils avaient ressentis. Une semaine plus tard, les sujets devaient indiquer s’ils avaient adopté des conduites préventives : mettre de la crème solaire, vérifier les grains de beauté suspects, etc.
Il s’est avéré que le fait d’adopter un comportement effectif de prévention était prédit par deux dimensions émotionnelles lors du visionnage : la peur, ce qui n’est pas très surprenant, mais aussi l’espoir. Les deux émotions jouaient d’ailleurs un rôle d’ampleur analogue.
Le bâton et la carotte
Ces éléments confortent les chercheurs dans leur conviction : pour réussir, l’appel à la peur doit se mâtiner d’un soupçon d’espoir. « Quand on communique sur la santé, il ne suffit pas de parler aux gens, ou de seulement les informer, il faut les motiver, et les émotions sont de très bonne sources de motivations », explique Jessica Myrick (Penn State). « Il faut imaginer l’espoir et la peur comme la carotte et le bâton », complète Robin Nabi (UC Santa Barbara).
Reste à évaluer l’appel à l‘espoir dans de vraies campagnes de prévention. Et les chercheurs d’évoquer quelques pistes : se focaliser sur les gains possibles (en matière de santé), présenter les situations en termes d’opportunités (plutôt que de risque), ou encore montrer des gens attirants obtenant ce qu’ils désirent… Bientôt des campagnes anti-tabac en forme de publicités pour voitures ?