Alors que le débat autour de la prescription du baclofène pour soigner l'alcoolisme a conduit à la saisie du Conseil d'Etat début février, une nouvelle étude menée par des chercheurs britanniques pointe son inefficacité. Leurs travaux publiés dans la revue Addiction montre que le médicament n’est pas plus efficace qu’un placebo, hormis sur les chances d’abstinence en fin de traitement. En 2017, l’étude ALPADIR, menée dans les hôpitaux français le révélait déjà dans Alcohol and Alcoholism.
Un relaxant musculaire devenu traitement contre l’alcoolisme
Le baclofène était au départ prescrit comme relaxant musculaire dans le cadre d’un traitement contre la sclérose en plaques. Mais le Dr Olivier Almeisen a montré avoir guéri d’un alcoolisme sévère grâce à ce médicament. Deux études ont ensuite été réalisées sur le baclofène. La première, appelée Bacloville, a étudié les effets d’une prise de baclofène à haute dose: la limite était de 300 mg/jour.
La seconde a fixé cette même limite à 180 mg/jour. C’est l’étude avec le plus fort dosage qui a montré une plus grande efficacité. Mais prendre le médicament en aussi grande quantité augmente le risque d’effets secondaires graves. Il s’agit principalement de troubles neurologiques et psychiatriques mais aussi intestinaux. L’Agence nationale de la sécurité du médicament autorise aujourd’hui une dose quotidienne maximale de 80 mg/jour.
Un usage prématuré
Cette nouvelle étude, réalisée par deux chercheurs de l’université de Liverpool, remet en question l’efficacité du baclofène. Pour obtenir ces résultats, ils ont comparé douze essais cliniques sur le médicament. Les chercheurs ont étudié l’action du médicament sur différents aspects : l’envie irrésistible de boire, l’anxiété, la dépression et le nombre de jours sans alcool.
Résultat, le médicament n’a agit sur aucun de ces aspects. Les effets du baclofène ont pu être constatés qu'à la fin du traitement : les patients qui l'ont reçu avaient 2,67 fois plus de chances d’être abstinents que ceux sous placebo. Les deux scientifiques estiment qu’une personne sous baclofène sur huit reste abstinente. D’après eux, l’usage du baclofène comme traitement de l’alcoolisme est prématuré : des études à plus grande échelle sont nécessaires, avec des recherches complémentaires sur les différentes doses de traitement et leur durée. Sur les douze études, 9 utilisaient le baclofène à des doses comprises entre 30 et 60 mg/jour, 3 à une dose maximale qui n’allait pas au dessus de 180 mg/jour.
Depuis 2014, le baclofène est autorisé en France dans le traitement de la dépendance alcoolique à travers une recommandation temporaire d’utilisation. L’ANSM doit décider de l’autorisation de mise sur le marché du médicament. Des débats doivent être organisés à ce sujet à l’été 2018 avec des experts et des associations.