Près de 530 médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM), c'est-à-dire ceux "pour lesquels une interruption de traitement est susceptible de mettre en jeux le pronostic vital", ont été signalés en rupture de stock* en 2017, soit une augmentation de 30% par rapport à 2016.
En 2008, le nombre de signalements déclarés à l’agence nationale du médicament (ANSM) était de 44, de 57 en 2009, de 89 en 2010, de 132 en 2011, de 173 en 2012, de 404 en 2013 et de 438 en 2014. Une situation en constante aggravation et qui n'est peut-être pas sans rapport avec la compétition des pays sur l'attractivité de leurs prix.
Pénurie d'anticancéreux et de vaccins
Selon les chiffres du Parisien, les vaccins, les anti-infectieux et les médicaments des maladies du système nerveux (traitement contre l’épilepsie ou la maladie de Parkinson) représenteraient plus de 20% des signalements. Les anticancéreux viennent juste derrière dans le "hit-parade" des ruptures de stocks. Une grosse perte de chance pour les malades...
Concrètement, l’absence d’un MITM peut engendrer un risque grave et immédiat pour le patient. "Nous sommes les otages des laboratoires, et c’est inadmissible !", se désole Martine, qui s’est vue refuser un traitement contre son cancer de la vessie, faute de médicaments disponibles. "L’urologue m’a dit : 'C’est la dernière instillation, je n’ai plus de quoi pratiquer les cinq autres. Là, vous chialez. Parce que vous avez déjà encaissé le fait d’avoir une tumeur, puis un cancer de stade II au risque de récidive élevé. Alors oui, à ce moment, j’ai eu envie de gifler l’urologue", raconte-t-elle au quotidien.
Quelle responsabilité pour les laboratoires ?
Les causes de l’augmentation de la pénurie de médicaments vitaux sur le marché français sont multiples : sur la forme, l’ANSM cite les défaillances de l’outil de production (44%), des difficultés d'approvisionnement en matière première (17%), des défauts de qualités produits finis (13%) et matières premières (5%) ainsi que des modifications d’autorisation de mise sur le marché (8%). Sur le fond, elle s’inquiète des "nouvelles stratégies industrielles de rationalisation des coûts de production qui conduisent les laboratoires à produire en flux tendu".
Légalement à ce jour, l’ANSM ne peut pas se substituer aux laboratoires pharmaceutiques en ce qui concerne la production ou le stockage des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, ni imposer de contraintes en la matière. Ses missions sont de l’ordre de l’anticipation et de la gestion des pénuries de médicaments vitaux.
Plus précisément, la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé impose la mise en place d'un plan de gestion des pénuries, et la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017 prévoit que les industriels et grossistes répartiteurs français privilégient le marché français en cas de rupture de stock, tout en communiquant les médicaments qu'ils exportent.
La France est en compétition au sein de l'Europe
Mais de l'aveu même de l'ANSM, dans le rapport MATRIX, c'est surtout la mondialisation des chaines de production du médicament qui pose problème : "Sans remettre en cause ces origines connues d’indisponibilité de médicaments sur certains territoires européens, la France souhaite souligner, qu’en amont, ces décisions des laboratoires pharmaceutiques se fondent sur la rentabilité d’une éventuelle commercialisation au regard du niveau de prix et des contingences industrielles et que ces décisions ne pourront pas être contrebalancées par le seul renforcement de mesures incitatives facilitant notamment l’accès à l’AMM".
Il faut comprendre dans ce texte que l'ANSM reconnaît que la France est en compétition avec les autres pays pour être servie en cas de rupture de stock. Or, l'attractivité des prix des médicaments en France est moindre par rapport à d'autres pays et il n'est donc pas exclue que la France ne soit pas privilégiée, voire soit servie en dernier.
Des pénuries de médicaments ça et là
Selon l’Ordre des Pharmaciens, les traitements pour les pathologies du système respiratoire, digestif et cardiovasculaire, ainsi que les antibiotiques, étaient les plus concernés par les pénuries en 2015, toutes causes confondues.
Selon un calcul mené auprès de 2 700 officines, 347 déclarations avaient été recensées en mai de cette année, dont 35 concernant des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MTIM). Entre 2008 et 2015, les signalements de ruptures d’approvisionnement de médicaments ont été multipliés par 10, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
*On parle de rupture d’approvisionnement quand une officine ne peut pas procurer un médicament sous 72 heures à son patient.