« Si j’étais encore une hospitalière, j’aurais probablement signé l’appel des 1000 » a reconnu la ministre…
« L’appel des 1000 », une démarche inédite dans une collectivité où la tradition veut que le linge sale se lave en famille, mais qui démontre à quel point le désarroi du monde de l’hôpital est profond. Agnès Buzyn, notre ministre de la santé, a reçu mercredi les représentants de ces soignants révoltés.
L’appel des 1000
A l’initiative des professeurs André Grimaldi, Jean-Paul Vernant, et du Dr Anne Gervais, plus de mille médecins et cadres de santé, venant de toutes sortes d'établissements, hôpitals locaux comme centres universitaires, répartis sur toute la France, avaient signé en janvier un appel s'alarmant de la situation dramatique des hôpitaux français et de la crise financière qui frappe de plein fouet ce qui se voulait être la « vitrine » du système de soin à la Française.
En cause, entre autre, la tarification à l’activité, la fameuse « T2A », qui vise à transformer l’hôpital en entreprise, sans tenir aucun compte de la diversité des malades, et en particulier des différences entre maladies aiguës et maladies chroniques. Un piège mortel pour l’hôpital en période de restriction de budget, alors qu’une autre vision de l’hôpital est possible au même coût, une vision basée sur le malade et sur la pertinence des soins qui lui sont dispensés.
Le compte rendu du Professeur André Grimaldi qui participait à cette rencontre :
« Entre la ministre et nous, le diagnostic sur le mal dont souffrent les hôpitaux est partagé : la logique commerciale et le management par le chiffre, conséquences du « tout-T2A ».
La T2A est devenue un carcan condamnant l’hôpital au toujours plus d’activité tandis que l’ONDAM délibérément sous-évalué le condamne au « toujours moins de moyens ». « Si j’étais encore une hospitalière, j’aurais probablement signé l’appel des 1000 » a reconnu la ministre.
Nous avons insisté sur la nécessité d’une action urgente et remis le document ci-joint à la ministre.
Agnès Buzyn a, de son côté, insisté sur la nécessité d’une réforme d’ensemble du système de santé car « tout se tient » : les modalités de financement de l’hôpital, la gouvernance et le management de l’ensemble des unités de soins jusqu’à l’établissement, l’organisation reposant sur le travail d’équipe (la ministre a insisté à plusieurs reprises sur la nécessité de réhabiliter la notion d’équipe travaillant dans les services qu’on a voulu faire disparaître ), le développement de l’ambulatoire et de la télémédecine, l’organisation et les modalités de financement de la médecine de ville, l’intégration de l’hôpital dans une offre de soins territoriale graduée allant du premier recours de proximité au centre de référence, la pertinence des prescriptions et des actes en ville et à l’hôpital, la sélection des étudiants inadaptées aux métiers du soin et leur formation les préparant mal à leur avenir professionnel dominé par le travail en équipe, la prévention et le traitement des maladies chroniques, le juste soin au moindre coût …
On ne peut qu’être d’accord avec la vision qu’elle a exprimée et avec les valeurs qu’elle a réaffirmées mais la mise en œuvre de ce chantier ambitieux nécessite une large concertation. Or pendant ce temps les tarifs baissent, les soignants, médicaux et paramédicaux, les secrétaires se démobilisent ou partent.
Nous avons redit à la ministre, qui « le sait », que les hospitaliers demandent à être impliqués dans les décisions pour que les modes de financements soient adaptés à la diversité de la pratique médicale en mettant fin à la situation actuelle où les activités doivent s’adapter aux tarifs : le 50% maximum de T2A promis par le président de la République ne doit pas consister à mélanger pour chaque activité une moitié de T2A et une moitié de paiement à autre chose : la qualité, la pertinence, le « parcours », la baisse des taux de ré-hospitalisation, etc… Le 50% est à ne garder que pour le paiement au séjour ou mieux le paiement à la période de soin que pour les activités standardisées programmées.
Quels sont, selon nous, les actes du gouvernement dont l’annonce rapide permettrait aux hospitaliers de reprendre espoir ?
1. L’annonce d’une concertation authentique avec les professionnels de terrain, sans confier aux « experts » promoteurs du tout-T2A le soin de la réformer, comme ce fut le cas des diverses commissions sur la réforme de la T2A mises en place ces dernières années. « On ne peut pas résoudre les problèmes en gardant la méthode de pensée qui les a créés ». Le choix des personnalités pour présider les commissions de concertation sera donc une indication importante.
2. La mise en œuvre rapide d’une politique pour la pertinence, en commençant par la pertinence des remboursements (arrêt des remboursements par la Sécurité sociale des médicaments remboursés à 15 ou 35%, de l’homéopathie, des surcoûts dus au refus des génériques… mises sous autorisation préalable de certains actes chirurgicaux programmés (par exemple thyroïdectomie ou chirurgie bariatrique) dont les études du SNIIRAM et du PMSI montrent qu’un grand nombre ne respectent pas les recommandations de bonne pratique).
3. La suppression des pôles sans pertinence clinique effective. Liberté d’organisation pour les établissements.
4. La mise en expérimentation dès début 2019 de la dotation annuelle modulée pour les services et les établissements qui le souhaitent
5. En attendant la mise en place de la réforme, gel de la suppression des postes de personnels soignants
La délégation de l’appel des 1000 comprenait :
• Ludovic Billard cadre supérieur de santé Nantes,
• Laurence Bouillet PUPH de médecine interne membre de la CME de Grenoble, Claire Delage cadre de santé Bichat Paris, Anne Gervais PH hépatologue vice-présidente de la CME de l’APHP,
• André Grimaldi Pr émérite Pitié Salpêtrière Paris,
• Gisèle Hoarau cadre supérieur de santé Salpêtrière Paris,
• Jean-François Pinel PH neurologue ancien vice-président de la CME de Rennes.