L'étude INSIGHT-preAD montre que la présence de lésions amyloïdes dans le cerveau de personnes âgées de plus de 70 ans n'a pas d'impact sur la cognition et le comportement. Ces plaques amyloïdes sont fréquentes au cours de la maladie d’Alzheimer. A 30 mois de suivi, ces lésions ne peuvent donc constituer un marqueur de l’évolution vers la maladie.
Cette constatation de lésions, présentent pendant plus de 2 ans sans maladie clinique, suggère qu’au début de la maladie d’Alzheimer il existerait des mécanismes de compensation chez les personnes atteintes par ces lésions, mécanismes qui leur permettraient de vivre normalement pendant au moins 30 mois. Les résultats sont publiés dans la revue Lancet neurology.
Une étude chez des personnes à risque
L'étude INSIGHT-preAD (pour « INveStIGation of AlzHeimer's PredicTors in subjective memory complainers - Pre Alzheimer's disease »), est une étude de suivi d’une cohorte prospective sur le long terme. Elle vise à observer chez des sujets âgés de plus de 70 ans, bien portants et sans trouble cognitif, les facteurs de développement de la maladie d'Alzheimer.
Lancée en mai 2013 à la Pitié-Salpêtrière AP-HP par le Pr Bruno Dubois et son équipe INSERM, cette cohorte comprend 318 personnes volontaires âgées de plus de 70 ans, avec une plainte de mémoire subjective, mais dont les performances cognitives et mnésiques sont normales lors des tests. Les participants ont accepté au départ que l'on détermine la présence ou non de lésions de la maladie d'Alzheimer (lésions dites « amyloïdes ») dans leur cerveau grâce à un examen d'imagerie.
Intervenir plus tôt sur la maladie
Les médicaments actuellement en développement dans le traitement de la maladie d'Alzheimer montrent une efficacité significative sur les lésions cérébrales des patients, sans cependant parvenir à réduire effectivement les symptômes de la maladie. Les essais thérapeutiques seraient ainsi réalisés trop tardivement, à un stade où la maladie est trop avancée pour être régressive sous traitement.
D'où l'idée de tester l'efficacité des traitements de façon plus précoce lors de la maladie, c'est-à-dire au début, avant même l'apparition de tout symptômes chez des patients porteurs de lésions cérébrales de la maladie d'Alzheimer.
Cette stratégie nécessite de mieux comprendre les marqueurs de la progression de la maladie à son stade pré-clinique afin de traiter les personnes les plus à risque d’évolution.
Peu de différences liées à la présence de plaques
A l’entrée dans l'étude INSIGHT-preAD, 28% des participants sont porteurs de lésions même s'ils ne présentent aucun signe de la maladie d’Alzheimer : aucune différence n’est observée entre les personnes dites « amyloïdes positives » et celles « amyloïdes négatives », que ce soit lors des tests cognitifs (mémoire, langage, orientation), fonctionnels et comportementaux.
A deux ans et demi de suivi, seuls quatre personnes ont progressé vers la maladie d'Alzheimer. A leur entrée dans l'étude, ces patients présentaient des facteurs prédictifs, comme un âge plus avancé, une concentration de lésions amyloïdes plus élevée et un volume hippocampique diminué.
Des différences sur l’activité électrique du cerveau
Les chercheurs ne notent pas de changement significatif entre les sujets amyloïdes positifs et ceux négatifs pour l'ensemble des marqueurs (comportementaux, cognitifs, fonctionnels) observés, ainsi qu'en neuro-imagerie.
Aucune différence n’est également observée entre les 2 groupes sur l'intensité de la plainte de mémoire, ni en neuro-imagerie structurelle (IRM) ou métabolique (PET-FDG).
En revanche, l'électroencéphalogramme, qui mesure le fonctionnement électrique des cellules nerveuses, montre chez les patients porteurs de lésions une modification de l'activité électrique des régions antérieures de leur cerveau, notamment frontales, pour un maintien de leurs performances intellectuelles et mnésiques.
Une progression très faible vers la maladie d’Alzheimer
Ces résultats montrent ainsi que la présence de lésions amyloïdes cérébrales ne s'accompagne pas de modifications cognitives, ni morphologiques, métaboliques ou fonctionnelles chez les personnes porteuses de ces lésions.
Les chercheurs, en se basant sur les modifications électro-encéphalographiques observées parallèlement, suggèrent l'existence de mécanismes de compensation dans le cerveau de ces personnes porteuses de plaques amyloïdes.
La progression vers la maladie d'Alzheimer déclarée de ces patients âgés en moyenne de 76 ans est donc faible, ce qui témoigne d'une réserve cognitive importante pour ce type de population. Poursuivre ce suivi est donc nécessaire pour déterminer si ce constat se vérifie toujours après une plus longue période.
L'étude INSIGHT-preAD fera l'objet d'un nouveau point d'étape en 2022.