Longtemps l’hôpital psychiatrique a été une zone de non-droit, une forteresse dans laquelle l’individu n’était plus sujet de droit, mais objet de soins.
Les modalités d’entrée et de sortie fixées en 1838 !
Souhaitant civiliser l’internement, la loi du 30 juin 1838 avait apporté un premier cadre juridique, fixant les modalités d’entrée et de sortie dans « un établissement d’aliénés ». Ainsi, pour quitter l’établissement, il fallait, soit l’aval d’un médecin, soit l’autorisation d’un juge.
Pour les médecins, cela n’arrivait guère, les traitements étant alors rudimentaires et nuisibles, sinon barbares, et les conditions de résidence peu propices à la guérison.
Ce qui était tout aussi rare pour le juge, ce dernier, si tant est que le patient trouve la ressource de lui écrire de façon argumentée, n’ayant pas à motiver, c’est-à-dire expliciter, ses décisions.
Cette première loi est restée en vigueur 152 ans !
La loi du 27 juin 1990[1], insérée dans le Code de la Santé Publique, a posé un ensemble de droits fondamentaux de la personne hospitalisée : l’hospitalisation libre est le principe, l’hospitalisation sous contrainte, l’exception ; l’hospitalisation sous contrainte doit être limitée, proportionnée ; l’intéressé peut choisir le praticien de son choix, et avoir un avocat, s’il est en état d’y penser, et d’en trouver un…
Contrôle judiciaire de la régularité
Il faudra attendre encore plus de 20 ans et 2011[2] pour qu’un juge[3] contrôle automatiquement la régularité juridique de chaque hospitalisation, au plus tard au quinzième jour de celle-ci. Un délai réduit à douze jours par la loi du 27 septembre 2013[4], qui a rendu obligatoire l’intervention d’un avocat, choisi par la personne ou sa famille, ou à défaut, commis d’office par l’Ordre des avocats.
Si chacune de ces lois a constitué une avancée dans la création d’un statut juridique de la personne hospitalisée sans son consentement, aucune n’abordait la question, considérée à l’époque comme taboue, des conditions de l’internement.
Conséquences : le juge des libertés et de la détention, institué en 2011, ne pouvait se prononcer sur le bien-fondé d’un placement en chambre d’isolement ni de l’emploi de sangles ou de tout autre mode de contention.
On s’intéresse enfin à l’isolement et à la contention
Il aura fallu d’inlassables critiques des praticiens (médecins, infirmiers, avocats, magistrats), et de multiples témoignages d’anciens patients maltraités, pour qu’enfin le législateur insère le 26 janvier 2016[5] un article dédié[6] dans le Code de la Santé Publique, qui s’ouvre par ces termes : « L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui sur décision d’un psychiatre, prise pour une durée limitée. »
Afin qu’il existe une traçabilité des mesures d’isolement et de contention, un registre spécial, tenu dans chaque établissement de soins, mentionne pour chaque patient concerné le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, sa date et son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé l’ayant surveillée.
Dès le 08 février 2016, le C.G.L.P.L., à la suite d’une inspection conduite entre le 11 et le 15 janvier 2016, faisait publier en urgence des Recommandations au Journal Officiel[7], concernant le centre psychothérapique de l’Ain (Bourg-en-Bresse), compte tenu des excès et violations graves qui avaient été relevés dans le recours à la contention.
Depuis le 26 janvier 2016, les juges des libertés et de la détention étendent leur contrôle de la régularité de la procédure d’hospitalisation sans consentement, à celui des conditions du recours à l’isolement et à la contention. Ainsi, lorsque l’isolement ou la contention n’a pas été mentionnée dans le registre, le juge ordonne la mainlevée de l’hospitalisation sans consentement (et en fonction des circonstances, le juge diffère ou non la mainlevée de vingt-quatre heures pour permettre la mise en place par le corps médical d’un programme de soins). De même, lorsque le registre évoque un isolement ou une contention, sans que la justification légale apparaisse (prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui), la mainlevée peut également être prononcée.
Plus le droit est respecté, plus la considération envers la personne internée est grande, et moins la nécessité des soins est contestée par celle-ci.
Pour suivre les chroniques de Maître Valery Montourcy
https://www.legavox.fr/blog/maitre-valery-montourcy/
[1] Loi n° 90-527 du 27 juin 1990, relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d’hospitalisation.
[2] Loi n° 2011-803 du 05 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.
[3] Le Juge des Libertés et de la Détention, appelé J.L.D.
[4] Loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013 modifiant certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.
[5] LOI n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
[6] Art. L 3222-5-1 C.S.P.
[7] Journal Officiel du 16 mars 2016.