Un essai scientifique américain, le SPACE (the Strategies for Prescribing Analgesics Comparative Effectiveness) a comparé, dans une étude contrôlée sur 240 malades, les effets sur 12 mois des traitements par morphine ou opioïdes forts et les traitements non opioïdes sur les dorsalgies chroniques modérées à sévères (65%) ou les douleurs arthrosiques de la hanche ou du genou (35%).
Nécessaire évaluation de la morphine dans les douleurs non-cancéreuses
Cette étude est parue dans le JAMA et s'inscrit dans le cadre de l'évaluation des opioïdes forts sur le long terme, opioïdes dont l'utilisation a été conseillée dans plusieurs recommandations sur la prise en charge de la douleur chronique, y compris en dehors des cancers. Ces recommandations se sont faites sans réelle évaluation fiable des avantages et des inconvénients de cette stratégie.
Un nombre accru de décès par surdosage d’opioïdes a soulevé quelques interrogations sur la prescription "larga manu" de ces traitements opioïdes forts dans la prise en charge de la douleur chronique, en particulier chez les personnes âgées, qui sont également celles qui souffrent le plus d'arthrose.
Evaluation sur 12 mois
L’objectif de l’essai américain était d’évaluer sur 12 mois, et contre un traitement standard par paracétamol ou anti-inflammatoire non-stéroïdien, l'effet d'un traitement à base de morphine et d'opioïdes forts sur l’intensité de la douleur et l'état fonctionnel, ainsi que les effets indésirables à long terme de ces opioïdes forts dans cette populations de personnes souvent âgées et parfois fragiles.
Pour ce faire 240 personnes ont été recrutées dans des cliniques d’Anciens Combattants (Vétérans) et ont été suivies de juin 2013 à décembre 2016. Leur âge moyen à l'inclusion dans 'étude était de 58,3 ans. Au sein du groupe opioïde, le premier palier de traitement repose sur la morphine à libération immédiate, l’oxycodone ou l’association hydrocodone/acétaminophène. Pour le groupe non opioïde, le premier palier est constitué par le paracétamol ou des AINS. Les traitements sont ensuite ajustés en fonction de la réponse individuelle du patient.
Les opioïdes forts ne sont pas plus efficaces
En pratique, les groupes ne diffèrent pas de manière significative en ce qui concerne le handicap fonctionnel lié à la douleur. Paradoxalement, l’intensité de la douleur est significativement moindre dans le groupe non-opioïde à 12 mois. Quant aux effets indésirables liés aux médicaments, ils sont bien sûr plus fréquents dans le groupe opioïde fort. L'étude n'a pas la puissance nécessaire pour évaluer l'impact des opioïdes forts sur la mortalité.
En termes de résultats secondaires, il ressort que seuls les symptômes d’anxiété sont statistiquement meilleurs dans le groupe opioïde. Ces résultats sont cohérents avec le rôle du système opioïde endogène dans le stress et la souffrance émotionnelle.
Pas d'intérêt de la morphine sur l'arthrose
Ces résultats, sont cohérents à des travaux français antérieurs menés par la Société Française d'Etude et de Traitement de la Douleur (SFETD). Dans ses recommandations, la SFETD soulignait que les opioïdes forts n'avaient qu'un intérêt modéré dans la prise en charge des douleurs chroniques d'arthrose des membres et du rachis.
Cette nouvelle étude n’encourage donc pas l’initiation d’un traitement opioïde fort pour les dorsalgies chroniques modérées à sévères ou les douleurs arthrosiques de la hanche ou du genou.