Prévu dans la loi de Santé du précédent gouvernement, le projet de décret détaillant les nouvelles compétences des « infirmières en pratiques avancées » (IPA), a été présenté au ministère de la Santé pour concertation.
On part de loin car il n'a satisfait ni les syndicats d’infirmières, en attente d'une plus grande « autonomie », ni les organisations de médecins, qui veulent garder le contrôle du premier recours du malade.
Le nouveau gouvernement souhaitant former des « infirmiers en pratique avancée » (IPA) pour lutter contre les déserts médicaux, ce projet de décret fait l'objet de discussions depuis plus d’un an entre les Ordres des infirmiers et des médecins et la Direction générale de l'offre de soins (DGOS).
Un projet qui est présenté alors que le Ministère de la santé lance les travaux de transformation du système de santé.
[? #MieuxSoigner] @AgnesBuzyn lance les travaux de la stratégie de transformation du système de santé https://t.co/Y5Z428LxsX
— MinSolidaritésSanté (@MinSoliSante) March 9, 2018
Un décret qui élargit notablement les tâches des infirmières
Selon l'AFP, dans ce projet de décret, les infirmières en pratique avancée peuvent intervenir « en présentiel ou à distance » sur trois niveaux d'activité. Premièrement, sur l'orientation, l'éducation, la prévention et le dépistage des maladies. Deuxièmement, sur la coordination des parcours « entre les soins de premier recours, les spécialistes de recours et les établissements et services de santé ou médico-sociaux ». Et troisièmement, sur l'évaluation et les conclusions cliniques.
L’infirmière peut conduire un entretien avec le patient pour évaluer sa situation et procéder également à un examen clinique. En fonction des résultats, l'infirmier peut ensuite « réaliser des actes techniques nécessaires au suivi de la ou des pathologies et interpréter les résultats », « prescrire des examens complémentaires nécessaires au suivi du patient et interpréter les résultats », prescrire des dispositifs médicaux ou des médicaments « non soumis à prescription médicale obligatoire » ou « renouveler ou adapter des prescriptions médicales en cours".
Examens médicaux, prescriptions : les nouvelles compétences des infirmières font débat https://t.co/L56HsjASxm
— Europe 1 (@Europe1) March 8, 2018
Dans ce contexte, c'est le médecin qui détermine « pour chaque domaine d’intervention, les patients auxquels sera proposé, avec leur accord, un suivi par un infirmier exerçant en pratique avancée », infirmier qui doit en retour informer le praticien s'il repère une dégradation de l'état de santé du patient ou « une situation dont la prise en charge dépasse son champ de compétences ».
La délégation des soins marche déjà en oncologie
Nul ne doute plus que l’on peut améliorer l’organisation des soins et que les infirmières peuvent jouer un rôle majeur dans cette meilleure organisation.
En oncologie, cela fait maintenant plusieurs années que des « infirmières de coordination » assurent, dans le cadre d’une délégation de tâches, la coordination des chimiothérapies prescrites à l’hôpital ou dans les centres anti-cancéreux et réalisée en ville. En effet, 50% des chimiothérapies seront sous forme de traitement oral en comprimés dès 2020. Les infirmières de coordination, entre autre, répondent aux questions des malades sur les évènements intercurrents et les effets secondaires de la chimiothérapie, évaluent leur gravité et contactent un oncologue du centre ou un spécialiste de ville en cas de besoin.
D’autres expériences de délégation des soins se font déjà en libéral dans les déserts médicaux, les infirmières réalisant une partie des tâches habituellement dévolues aux médecins, comme réaliser l’interrogatoire initial, prendre la pression artérielle, suivre les ajustements de traitement anticoagulant… Tous ces actes se font dans le cadre de protocoles mis en place avec le médecin référent.
Le médecin doit rester « le chef d'orchestre »
Les dispositions sont « décevantes » selon Philippe Tisserand, le président de la FNI (syndicat des infirmiers libéraux). Dans un interview à l'AFP, il regrette des pratiques qui restent « totalement encadrées » par le médecin, loin de « l'autonomie » des infirmières au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Avec d’autres syndicats d’infirmières, il plaide pour l’inscription de la « consultation infirmière » dans le décret.
Pratiques avancées : grosse déception dans les rangs #infirmiers après que le ministère ait présenté, ce 8 mars, son projet de décret aux organisations ordinales et syndicales. https://t.co/h3nYa14s31 @infirmierSNPI @Sniil1 @FNIofficiel @Ludivine_FNESI @OrdreInfirmiers pic.twitter.com/Kw0kA0SBV9
— Infirmière magazine (@infirmieremag) March 8, 2018
Ses homologues médecins ne sont pas plus satisfaits. A la CSMF (syndicat des médecins libéraux), son président, le Dr Jean-Paul Ortiz, a jugé indispensable que le médecin « reste le chef d'orchestre ». Il a demandé une révision du décret sous peine « d’un conflit dur ». Dans un communiqué, MG France (le syndicat des médecins généralistes), déplore que le projet de décret, « ne corresponde pas aux besoins d'un exercice coordonné de proximité ». Et il ajoute : « Le contenu du décret ne met à aucun moment en avant les notions d’équipes de soins de proximité, de collaborations que vivent les médecins et les infirmiers sur le terrain. Il crée un étage de soins indépendants… ».
C’est une négociation, mais il n’est pas possible de laisser les médecins continuer à faire des tâches qui ne justifient pas des 10 ans d’études qu’ils ont au minimum fait. Les médecins et les infirmiers ont tout à gagner à travailler dans un système de soin coordonné : l’organisation de la médecine est en marche