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Sécurité

Goutte : augmentation de la mortalité cardiaque avec le fébuxostat

Par le Dr Jean-Paul Marre

Le fébuxostat, un médicament anti-goutteux récent, augmente le risque de mortalité cardiovasculaire et globale par rapport à un traitement classique, selon une étude présentée au congrès américain de cardiologie. Un constat surprenant dans une maladie où l'acide urique est censé être mauvais pour le cœur.

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Les résultats d’un essai de sécurité sur la tolérance cardiovasculaire du fébuxostat, un médicament anti-goutteux mis sur le marché il y a quelques années ont été présentés au congrès de l’American College of Cardiology.

Et ils vont contre une tendance de ces dernières années selon laquelle l'élévation de l'acide urique dans le corps n'était pas seulement mauvaise pour les articulations, en élevant l'inflammation, l'hyperuricémie était aussi mauvaise pour le cœur.

L’étude CARES a été menée à la demande de l’agence américaine de santé, la FDA, afin d’évaluer l’importance du sur-risque cardiovasculaire qui avait été observé dans le programme de développement du fébuxostat, un nouvel anti-goutteux très puissant mis sur le marché il y a quelques années.

Menée chez plus de 6 000 malades souffrant de goutte, l'étude randomisée a comparé le fébuxostat et l'allopurinol et met en évidence une sur-mortalité cardiaque dans le groupe fébuxostat. Les résultats ont été publiés dans le New England Journal of Medicine.

Augmentation de la mortalité cardiovasculaire

Le critère principal était composite, c’est-à-dire qu’il regroupait plusieurs critères : les décès cardiovasculaires, les infarctus non-mortels, les accidents vasculaires cérébraux non mortels et les angors instables avec revascularisation urgente.

L’essai CARES a été interrompu prématurément car les résultats préliminaires montrent que, dans l'ensemble, le fébuxostat n’augmente pas le risque de ces événements par rapport à l'allopurinol mais, lorsque les résultats sont évalués séparément, le fébuxostat montre un risque accru de décès toutes causes confondues et de décès cardiovasculaire.

Le fébuxostat est actuellement surtout prescrit en France chez les malades souffrant d’insuffisance rénale qui ne peuvent pas prendre d’allopurinol car celui-ci est contre-indiqué dans ce cas.

Pas d’explication évidente

Les taux pour le critère principal composite est de 10,8% sous fébuxostat et de 10,4% sous allopurinol (p = 0,002 pour non infériorité) en intention de traiter. Cependant, le fébuxostat augmente de 22% le risque de mortalité toutes causes confondues, en raison d’une augmentation de 34% des décès cardiovasculaires ainsi que des morts subites (2,7% vs 1,8%).

La constance des résultats, en intention de traiter et en per-traitement, et l’analyse des données en aveugle rend le risque de surmortalité « robuste » selon l’ACC.

À ce stade, il n'y a aucune explication à cet excès de risque de mortalité avec fébuxostat (pas de modification du QT ni des facteurs thrombotiques), en dehors du fait que les malades de l’étude CARES avaient un risque cardiovasculaire plus élevé que ceux des études du programme de développement, ce qui a pu mieux révéler ce sur-risque.

Une étude de sécurité

Le programme de développement du fébuxostat chez plus de 5 000 patients avait montré un taux plus élevé d'événements cardiovasculaires sous fébuxostat par rapport à l’allopurinol, mais sans sur-mortalité. C’est ce qui avait poussé la FDA à accorder une mise sur le marché sous réserve de réalisation d’une étude de sécurité cardiovasculaire.

La FDA a donc publié sur son site une alerte de sécurité sur le risque de décès cardiovasculaires sous febuxostat, basée sur l'analyse préliminaire de CARES. L'agence a déclaré à ce moment-là qu'elle procéderait à un examen complet des données et publierait une mise à jour après la disponibilité des données complètes.

L’allopurinol n’est pas non plus indemne de risque

Ces résultats de l’étude CARES avec le febuxostat sont d’autant plus inquiétants qu’ils sont obtenus par comparaison avec l’allopurinol. Or, une autre étude de sécurité cardiovasculaire récente a comparé l'allopurinol avec le probénécide, un vieil antigoutteux, à partir d’une analyse rétrospective dans un échantillon de population tiré de la base de donnée Medicare.

Cette analyse, moins robuste qu’une étude randomisée, révèle que l’allopurinol ne serait pas non plus indemne de complications cardiovasculaires puisqu’on y observe un risque global d'événements cardiovasculaires de 20% inférieur avec le probénécide et un risque de mortalité toutes causes confondues de 13% inférieur avec le probénécide.

L’analyse complète du dossier par les agences de santé est cours.