Souvent diagnostiquées trop tard et sous-estimées par les parents, les allergies des enfants sont pourtant plus graves et plus fréquentes que celles survenant chez l’adulte. Voici l’avertissement que souhaite faire passer l’association Asthme & Allergies en cette 12e Journée Française de l’Allergie.
Jour J ! La 12ème #JournéeFrançaisedelAllergie c'est aujourd'hui mardi 20 mars. RDV dès 13h00 sur notre site web pour un tchat en direct avec des #allergologues #allergies https://t.co/xuJhNzx5t6
— Asthme & Allergies (@AsthmeAllergies) March 20, 2018
Pour l’occasion, l’association et l’institut de sondage Ifop ont dévoilé ce mardi 20 mars les résultats d’un sondage réalisé en ligne auprès de 1 002 personnes majeures du 21 au 23 février. Il en ressort que « les Français sont loin d’appréhender la gravité du problème de l’allergie chez l’enfant », note Asthme & Allergies. Des allergies qui seraient pourtant favorisées par notre environnement trop hygiénique selon plusieurs études de référence.
Un risque allergique trop souvent minimisé
D’après les résultats du sondage, les personnes interrogées pensent que le risque pour un enfant sans parent allergique de développer une allergie lui-même est de 3%. Or, les scientifiques évaluent plutôt ce risque à 10%. Pour les enfants ayant un ou deux parents allergiques, les sondés évaluent le risque entre 21% (pour un parent allergique) et 67% (pour deux parents allergiques). Or, là encore, ces estimations sont en deçà de la réalité : un enfant avec un parent allergique a entre 30 et 50% de risque de développer une allergie et jusqu’à 80% si ses deux parents sont sujets aux allergies.
Facteurs environnementaux
D’après Asthme & Allergies, les enfants sont davantage sujets que leurs parents au risque allergique car se combinent chez eux facteurs héréditaires et environnementaux. « Chez l’enfant, les études épidémiologiques montrent que la prévalence des maladies allergiques (eczéma ou dermatite atopique, asthme, rhinite, conjonctivite et allergie alimentaire) a considérablement augmenté dans les pays industrialisés au cours des 20-30 dernières années », explique l'association.
En résulte une forte augmentation des allergies chez les enfants : entre 15 et 20% d’entre eux sont touchés par l’eczéma atopique, une maladie chronique évoluant par crise. La prévalence de l’asthme chez l’enfant est évaluée entre 7 et 10%, la rhinite et la conjonctivite allergique autour de 15-20% et les allergies alimentaires à 6,2% contre 2% chez l’adulte.
La théorie "hygiéniste"
Les causes de l'augmentation de la fréquence de ces pathologies allergiques sont encore méconnues, mais on sait que la génétique et l’environnement peuvent jouer un rôle, et en particulier une trop bonne hygiène, qui ferait que le système immunitaires des enfants ne serait pas bien éduqué. C'est la "théorie hygiéniste" et elle est presque démontrée !
Des travaux réalisés en Suisse avaient montré que les enfants élevés à la ferme et exposés quotidiennement au bétail étaient protégés de ces maladies allergiques par rapport aux enfant du même village mais ne travaillant pas à la ferme. Une théorie hygiéniste confirmée et mieux expliquée par des travaux réalisés au sein de 2 communautés rurales génétiquement très proches, les Amish et les Huttérites, mais différant seulement par le mode d’agriculture.
La prévalence de l’asthme est beaucoup plus faible chez les enfants Amish et cette protection pourrait être conférée par un système immunitaire « éduqué » au contact des animaux domestiques. C’est ce qui ressort d’une étude comparative publiée dans le New England Journal Medicine.
Une différence liée aux animaux
Ces deux communautés anabaptistes, les Amish et les Huttérites, vivent éloignées du monde moderne depuis leur création au 17ème siècle, en Alsace et en Allemagne.
Etablis aux Etats-Unis depuis plus de 200 ans, les Amish et les Huttérites sont depuis toujours des agriculteurs et des éleveurs de bétail. Mais au fil du temps, leurs pratiques agricoles se sont nettement différenciées : les Amish continuent à cultiver la terre à l’aide de chevaux, alors que les Huttérites ont opté pour la modernité.
L’éducation des enfants est également différente : tandis que les enfants Amish se lèvent à l’aube pour nourrir les bêtes, nettoyer l’étable et qu’ils jouent pieds-nus près des animaux, les enfants huttérites ne sont pas tenus d’exécuter ces tâches.
Un rôle prédominant de l’environnement
Pour comprendre l’impact de l’environnement sur le développement des allergies et de l’asthme, les chercheurs de l’Université de l’Arizona et de Chicago (Etats-Unis) ont donc suivis 60 enfants de 7 à 14 ans au sein de ces 2 communautés. Sur les 30 enfants Amish, aucun ne souffre d’asthme, contre 6 chez les Huttérites.
L’analyse des prélèvements sanguins révèle que les enfants Amish ont un système immunitaire beaucoup plus diversifié, et un nombre plus importants de globules blancs, leur permettant de mieux réagir à un plus grand nombre d’agents pathogènes. En outre, les tests génétiques confirment que les patrimoines génétiques de ces deux communautés sont remarquablement proches, du fait qu'ils partagent un ancêtre européen commun et que les mariages mixtes sont rares.
L’environnement Amish serait protecteur
Les scientifiques ont réalisé des prélèvements dans 20 maisons Amish et Huttérittes. Des allergènes fréquents comme les poils de chat, de chiens ou la présence d’acarien dans la poussière sont retrouvé dans 40 % des maisons Amish contre seulement 10% des maisons Huttérites. Par ailleurs, la concentration d’endotoxine est 6,8 fois supérieure dans les maisons Amish. La composition microbienne entre les foyers est également très différente.
Selon les chercheurs, les conditions de vie des enfants Amish ont façonné leur immunité innée – la première ligne de défense de l’organisme active dès la naissance - la rendant beaucoup plus efficace, ce qui est in fine, associé à une réduction des allergies et de l’asthme.
Un micro-organisme protecteur dans l’environnement
Une hypothèse confirmée dans un modèle souris asthmatiques qui ont été exposés aux poussières prélevées dans les maisons. Après avoir inhalé des poussières prélevées dans les maisons amish, les cobayes n’ont pas présenté de symptômes allergiques ou asthmatiques, tandis que les échantillons collectés chez les Huttérites ont provoqué une réaction allergique respiratoire.
Les chercheurs suggèrent ainsi qu’un micro-organisme (bactérie ou moisissures), encore inconnu, mais présent dans les maisons Amish, jouerait un rôle protecteur vis-à-vis de l’asthme et de l’allergie, en stimulant l’immunité innée. Mais ils ignorent encore combien de temps les enfants doivent être exposés à ce germe pour être protégés et il se pourrait même que la protection se mette en place plus tôt.
Un diagnostic trop tardif
« Chez l'enfant, les allergies sont aujourd'hui plus graves et plus fréquentes », constate Jocelyne Just, pneumologue-allergologue pédiatrique à l'hôpital Trousseau à Paris, citée par l’association Asthme & Allergies.
D’autant, s’alarme l’association, que les allergies sont souvent diagnostiquées très tar, notamment chez les enfants. Entre l’apparition des premiers symptômes et la consultation chez l’allergologue, il s’écoule en moyenne sept ans. « Sept années pendant lesquelles la maladie, non prise en charge, s’aggrave et dégénère… en asthme par exemple en as de rhinite allergique », regrette Asthme & Allergies.
En cause : le manque d’information qu’ont les Français sur les risques allergiques. Ainsi, relève le sondage Ifop, 64% des sondés n’ont pas conscience que l’allergie peut survenir à tout âge de la vie et 87% ignorent que la maladie peut être diagnostiquée dès les premiers mois de l’enfant.
Pour Christine Rolland, la directrice de l’association, « il est intolérable en 2018 de laisser de jeunes enfants dans une situation d’abandon thérapeutique, alors que des solutions de dépistage, de prévention, comme l’éviction, et des traitements existent ».
D'après une estimation de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), entre 25 et 30% de la population française est sujette aux allergies.