Elles sont trois femmes, Marie, Cassandre et Ariane (les prénoms ont été modifiés) à avoir, pendant des mois ou des années, été abusées sexuellement par les psychiatres qui les suivaient.
Victimes de « prédateurs sexuels » en « blouse blanche » ou « sur divan », elles se mobilisent aujourd’hui pour que cessent ces abus de faiblesse en lançant l’Opération serment d’Hippocrate. Appuyées par le Dr Dominique Dupagne, médecin généraliste libéral et créateur du site internet Atoute.org, qui abrite le forum « Relation entre soignants et soignés » où elles se sont rencontrées, elles réclament que soit inscrite dans le code de déontologie médicale l’interdiction faite aux médecins d’avoir des relations sexuelles avec leurs patient(e)s.
« Un abus de faiblesse aggravé par un abus d’autorité »
Signée par 16 personnalités, dont le Président de la Fédération des Médecins de France (FMF) Jean-Paul Hamon, le psychiatre Christophe André ou encore le médecin généraliste Gilles Halimi, également membre du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, la pétition lancée ce 27 mars réclame que soit ajouté un article dans le code de déontologie médicale précisant que « le médecin doit s'interdire toute relation sexuelle avec les patients dont il a la charge ». Actuellement, cette menton n’apparaît dans aucun texte réglementaire, ni même dans le serment d’Hippocrate que les médecins prêtent avant de commencer à exercer. Alors qu'il y apparaissait avant le XXe siècle.
Pourtant, affirme le Dr Dominique Dupagne, il s’agit là d’un « véritable abus de faiblesse aggravé par un abus d’autorité ». « Il y a trop d’asymétrie. Un patient n’est pas un simple adulte libre de ses choix. La relation thérapeutique crée une vulnérabilité bien connue appelée amour de transfert », précise-t-il au Parisien. « En tant que professionnel, le médecin sait exactement ce qu'il fait. Il choisit des victimes qui ont peu confiance en elles : plus vulnérables et souvent incapables de soutenir dans la durée une procédure en justice si elles portent plainte. Il va ensuite s'appuyer sur les fragilités confiées sous le sceau du secret médical pour manipuler et séduire », explique encore le Dr Dupagne dans une interview accordée à L’Obs.
Comme d’autres femmes, Cassandre, Marie et Ariane ont accordé toute leur confiance au médecin qui a par la suite abusé d’elles. Dans un témoignage accordé au Parisien, Marie, 54 ans, parle d’« emprise » et de « manipulation » pour évoquer le psychiatre qu’elle consultait depuis 2006 et qui a profité de son état d’extrême vulnérabilité pour avoir des relations sexuelles avec elle. « J’étais perdue, poursuit-elle. Un jour il m’a embrassée, ouvert son agenda et fixé un autre rendez-vous. Comme ça. Je n’avais pas de sentiments pour lui, mais je le laissais décider pour moi », raconte-t-elle.
Avant de critiquer la pétition sur l'interdit sexuel médecin/patient.e, écoutez la Tête au Carré de ce jour, notamment le témoignage digne et bouleversant de Cassandre. On en reparle après. On ne fera jamais mieux : https://t.co/pfVkU8XlqL #OperationHippocrate
— Dominique Dupagne (@DDupagne) March 27, 2018
Un corporatisme qui profite aux médecins
Mais lorsque Marie finit par porter plainte contre son psychiatre auprès du conseil départemental de l’Ordre des médecins, celui-ci s’appuie sur l’absence d’article interdisant les relations sexuelles avec les patientes et écope d’un simple avertissement, soit la plus faible sanction disciplinaire. Après avoir fait appel, Marie obtient du conseil national de l’Ordre qu’il condamne le praticien à six mois d’interdiction d’exercer.
« Il y a un corporatisme très fort chez les médecins, nous avons plein d’exemple où les conseils départementaux de l’Ordre protège les notables », regrette le Dr Pupagne dans Le Monde. Quant aux plaintes déposées au pénal, elles sont le plus souvent déclarées irrecevables.
De son côté, le Conseil national de l’ordre du médecin assure mener « une lutte déterminée contre toutes sortes d’abus à caractère sexuel que les médecins commettraient ». Toutefois, il se dit défavorable à l’ajout d’un article sur les relations soignants-soignés car il constituerait une « intrusion dans la vie privée de personnes libres et consentantes ».
Et si on interdisait les relations sexuelles entre patients et médecins https://t.co/QRZRCInovW
— Le Parisien (@le_Parisien) March 27, 2018