La vengeance est un plat qui se mange chaud. Une équipe de chercheurs britanniques vient de montrer l’efficacité d’un nouvel outil de lutte contre le paludisme au concept jubilatoire. Ce médicament, une fois consommé et passé dans le sang des volontaires, a la faculté de tuer les moustiques qui viendraient s’y abreuver. Dans les dents !
L’essai vient de faire l’objet d’une publication dans The Lancet Infectious DIseases. Les 141 volontaires, originaires de Kisumu (Kenya), ont reçu de l’ivermectine (en combinaison avec l’antipaludéen DP). Depuis 2010, on sait que cet antiparasitaire oral, développé pour tuer des larves, est aussi capable d’envoyer ad patres les moustiques. Aux doses élevées prescrites, l’effet insecticide se maintenait pendant au moins 28 jours après la prise.
Une prévalence réduite de moitié
"L’impact de ce médicament sur la mortalité des moustiques, son effet à longue durée et son bon profil de tolérance en font un outil prometteur pour le contrôle du paludisme", a commenté Feiko ter Kuile (Liverpool School of Tropical Medicine), auteur sénior de l’étude. D’après les projections, ce dispositif administré en masse à la population pourrait permettre de réduire de 56 à 61 % les cas de paludisme dans les zones concernées.
Ces dernières années, l’apparition de résistances aux insecticides chez les moustiques vecteurs de paludisme est une menace prise très au sérieux par les chercheurs. "Le mode d’action (de l’ivermectine, ndlr) diffère des autres insecticides, explique l’épidémiologiste. Cela veut dire qu’il pourrait être efficace contre les moustiques qui se reposent et se nourrissent à l’air libre, tout comme ceux qui résistent aux insecticides standards utilisés en intérieur et pour imprégner les moustiquaires".
Antiparasite révolutionnaire
L’ivermectine est un médicament utilisé pour traiter les parasitoses, comme la gale ou l’onchocercose ("cécité des rivières"), une infection oculaire par des moucherons des zones humides. Le prix Nobel de médecine de 2015 avait été décerné à deux chercheurs à l’origine de cette découverte qui, selon le comité, "ont révolutionné le traitement de certaines des maladies parasitaires les plus dévastatrices".
L’ivermectine possède un effet neurotoxique et neuromusculaire chez les parasites et les moustiques. Elle s’attaque principalement aux canaux glutamate-dépendants présents dans les cellules nerveuses et musculaires des invertébrés, et absents chez les mammifères. C’est pourquoi elle est globalement très bien tolérée chez l’homme.
Le paludisme est dû à la transmission d’un parasite, Plasmodium falciparum, via des moustiques infectés. L’OMS rapporte 216 millions nouveaux cas dans le monde en 2016, et 445 000 décès. Si la maladie a connu un net recul ces quinze dernières années, la lutte antipalustre reste un enjeu majeur de santé publique, notamment face à l’apparition de résistance aux insecticides et aux traitements.