Les experts et les institutions de santé s'intéressent de plus en plus au retour à la vie normale après la maladie.* Dans un rapport présenté le 27 mars dernier en séance officielle, l’Académie de médecine s’est penchée sur les obstacles liés à l’après cancer, après avoir auditionné une vingtaine d’experts.
Il faut dire que les progrès de la prise en charge rendent l’après-cancer de plus en plus commun. La plupart des cancers, à l’exception du pancréas et des formes rares, ont connu des progrès majeurs en termes d’espérance de vie. En 2008, on estime que 3 millions de Français avaient eu un cancer dans les quinze années précédentes. En 2022, ce chiffre devrait être multiplié par six !
Se préparer à l’après-cancer dès le départ
Les sages de la rue Bonaparte commencent par pointer une ambigüité. Médicalement, l’après-cancer commence lorsque les traitements se terminent et que débute la phase de surveillance. Mais pour les personnes concernées, cette transition ne va pas toujours de soi. Il faut intégrer l’idée de guérison – plus simple après une chirurgie qu’une chimiothérapie, par exemple – et accepter de vivre non plus avec une maladie, mais avec un risque : celui d’une éventuelle récidive.
L’Académie appelle ainsi à mettre en place une évaluation psychologie systématique dès le début de la prise en charge, afin d’expliquer de façon éclairée les conséquences de la maladie et préparer le suivi pendant et après le traitement.
Un droit à l’oubli modulable
Au-delà de cet aspect psychologique, se posent au malade des problèmes très concrets. À commencer par le retour à l’emploi. "Une personne sur trois quitte ou perd son emploi (après un diagnostic de cancer, ndlr) contre une sur six en population générale", rappellent les auteurs, qui invitent à renforcer les "initiatives de retour à l’emploi", sans plus de précision.
Autre difficulté récurrente : l’accès au crédit. Le "droit à l’oubli", valable depuis 2017, assure qu’aucune information médicale n’est exigible par les assureurs 10 ans après la fin du traitement (5 ans pour les mineurs). Par ailleurs, la convention Aeras permet à la plupart des personnes avec un risque aggravé de santé de souscrire un prêt immobilier, à concurrence de 320 000 euros et jusqu’à 70 ans. L’Académie appelle à adapter régulièrement ces dispositifs pour tenir compte des pronostics de plus en plus favorables des cancers.
La préservation de la fertilité encore trop rare
Dernier enjeu mis en avant : la fertilité. Certains cancers et surtout les traitements (la chimiothérapie en particulier) risquent d’altérer la capacité des futurs anciens malades à avoir des enfants. Citant des données de l’INCa de 2014, l’Académie rappelle qu’une préservation de la fertilité n’a été proposée qu’à un tiers des patients, alors qu’elle est de droit depuis la loi de bioéthique de 2004. Les auteurs recommandent ainsi de systématiser les prises en charge de la fertilité, qu’il s’agisse de conserver les gamètes (sperme ou ovocytes) ou, avant la puberté, les tissus germinaux.
Les académiciens relèvent enfin le caractère morcelé et désorganisé de la prise en charge de l’après-cancer, à l’origine de nombreuses difficultés concrètes. "De ce travail il ressort que depuis plus de 10 ans la notion de prise en charge des patients après leur cancer a été prise en compte de façon séparée par les différentes tutelles et dans de nombreux textes législatifs d’où, sans doute, les difficultés de mise en œuvre", concluent-ils.
* On parle de "rémission" en cas de disparition des signes observables d'un cancer, et de « guérison » après cinq ans de rémission. Il s'agit alors d'une simple convention, car le risque de récidive n'est pas totalement nul et dépend de la forme initiale de cancer.