Plus de 2 millions de jours cumulés par les blouses blanches à l’hôpital sur des comptes épargne-temps depuis 2002. Le dossier des RTT pesait comme une bombe à retardement sur les ressources humaines des hôpitaux et par conséquent sur la continuité des soins. D’autant plus que les médecins menaçaient de prendre leurs jours de congé comme la loi les y oblige. Les CET devaient être apurés au bout de dix ans.
Pour le résoudre, un accord a été signé hier entre le gouvernement et la majorité des syndicats de praticiens. Les 41 000 médecins ont maintenant trois possibilités pour dégonfler leur compte épargne-temps. Ils pourront évidemment utiliser leurs jours RTT en jours de congé, mais seuls 20 jours pourront être utlisés dans ce cas, au moment choisi par le praticien. Ensuite, ils pourront se faire payer à raison de 300 euros la journée de RTT. Chaque médecin ne poura pas se faire payer plus de 80 jours sur quatre ans, soit 24 000 euros. Dernière possibilité, les médecins pourront transformer leurs jours RTT en points de retraite complémentaire.
Quel sera le coût de cette réforme pour les établissements ? Les estimations vont bon train… Entre 480 et 600 millions d’euros selon les sources. Xavier Bertrand, le ministre de la Santé et du Travail, a indiqué à l’issue de la signature de l’accord que ces montants relevaient d' "extrapolations" issues de "calculs complètement théoriques" fondés sur l'hypothèse que tous les médecins concernés se feraient payer tous leurs jours possibles."Cela donne le sentiment qu'il existerait une cagnotte mystérieuse pour payer le coût des 35 heures à l'hôpital", a-t-il déploré en appelant à "garder son sang froid". Le ministre a assuré que les sommes nécessaires étaient "provisionnées" par les hôpitaux "année après année" pour le paiement des jours. De son côté, Frédéric Valletoux, le président de la Fédération hospitalière de France (FHF), précise « qu’il est difficile de savoir si les médecins vont plutôt vouloir monétiser, prendre des congés ou reporter leur RTT sur leur retraite ». Selon une enquête menée en interne, il estime qu’une partie de la somme aurait été provisionnée par les établissements, « 45% à peu près… »
Frédéric Valletoux, président de la Fédération Hopsitalière de France: " cet accord ne règle pas définitivement le problème, selon le président de la FHF".
Du côté des syndicats hospitaliers, tous poussent un soupir de soulagement, mais certains, comme à l'Intersyndicale nationale des praticiens hospitaliers (INPH), regrettent que la monétisation du jour RTT soit égale à 300 euros, soit le même tarif qui avait été négocié en 2003. D'autre part, le Dr Rachel Bocher, la présidente de l’INPH souligne que les détails de la conversion d'une journée RTT en points de retraite complémentaire ne sont pas encore connus. Quant à l’accord-cadre sur l’exercice médical à l’hôpital public, Rachel Bocher estime que c’est insuffisant et que cela arrive un peu tard. « Cet accord ouvre sur la création de groupes de travail en 2012 et 2013, ironise Rachel Bocher, les praticiens que je représente auraient aimé que ces groupes de travail existent en 2007 et 2008…
Rachel Bocher, présidente de l’Intersyndicale Nationale des Praticiens Hospitaliers: "depuis 2007, on entend qu'une chose, l'hôpital public doit revenir à l'équilibre".
Une première fois déjà, en 2008, un remboursement partiel de ces RTT est mis en place : 30 % des stocks sont rachetés. Mais à l'époque, des praticiens sont entrés en litige avec leurs établissements. Les 30% étaient versés de façon parcellaire, car les hôpitaux n’avaient pas d’argent. Certains ont poursuivi leur hôpital au tribunal administratif, pour recevoir la totalité de leur dû trois ans plus tard, au printemps 2011. Selon le Dr François Aubard, président du CMH un des syndicats majoritaires à l’hôpital, ce genre de litige est courant, "les engagements de 2008 [n'ayant] pas été tenus". Autre spécificité : le métier est caractérisé par une démographie déclinante. "Entre 2010 et 2018, 31 % des praticiens vont partir à la retraite", explique le président du syndicat.
A l'hôpital, la question des RTT ne se limite pas aux médecins. Le coût de leurs journées est un peu moins élevé et leur situation se règle généralement chaque année, mais les autres catégories de salariés ont également accumulé un peu moins de deux millions de RTT. Dans les hôpitaux, l'ambiance est parfois pénible, témoignent aide-soignants et infirmiers : il n’est pas rare que les équipes fonctionnent "à flux tendus". L'organisation des plannings est source de tensions et de pressions. En filigrane, c'est donc le manque de moyens de l'hôpital qui se dessine derrière l'accumulation de RTT.