« Arrête de faire craquer tes doigts, tu vas avoir de l’arthrose plus tard ». Qui n’a pas entendu cette phrase, mais rassurons les parents et leurs enfants : il n’y a pas réellement d’inconvénient à faire craquer ses doigts, sauf si cela devient un trouble obsessionnel et compulsif.
Habitude machinale pour certains, manie horripilante pour d’autres, le fait de faire craquer ses doigts était jusqu’ici entouré d’une incertitude quant aux causes. D’où vient le fameux « crac » que l’on entend lorsque l’on tire sur ses articulations ? Des scientifiques ont enfin démontré qu’il s’agissait du bruit correspondant à l’éclatement d’une bulle de gaz dans l’articulation.
Ce sont les conclusions d’un travail mené par des chercheurs de l’École Polytechnique de Palaiseau, dans l’Essonne, et de l’Université de Stanford en Californie et publié dans la revue Scientific Reports. Les craquements sont dus à l’hyperextension de l’articulation qui crée le vide à l’intérieur : la gaz en solution dans le liquide articulaire passe alors en phase gazeuse et forme une bulle microscopique dans les articulations des doigts qui va éclater.
Pourquoi les doigts craquent-ils ?
Ce phénomène avait été évoqué dans les années 20 : Donald Unger, un jeune américain, avait la manie de faire craquer ses doigts. Sa mère ne cessait de lui répéter : « arrête Donald, tu vas avoir de l’arthrite ! » Devenu médecin, il a voulu vérifier les dires de sa mère en menant une étude scientifique.
Il n'a fait craquer que les phalanges de sa main gauche pendant 60 ans ! Pour être précis, les articulations de sa main gauche ont donc craqué au moins 36 500 fois, pendant que celles de la droite n'ont craqué que rarement et de manière spontanée. Résultat : pas plus d'arthrose dans sa main gauche que dans sa main droite. Ses deux mains étaient identiques et l’hypothèse de lésions du cartilage est abandonnée.
Depuis, d’autres travaux ont été menés sur ce sujet et globalement, il n'y a pas plus d’arthrose chez les craqueurs que chez les autres. En somme, faire craquer ses doigts n'est pas dangereux pour l’articulation tant que cela reste raisonnable.
La démonstration est mathématique
C’est une formule mathématique développée par Vineeth Chandran Suja, un ancien étudiant de Polytechnique, et son professeur, le Dr Abdul Barakat, qui a conduit à la démonstration de cette éclatement d’une micro-bulle dans le liquide articulaire, qui lubrifie les articulations de la main, lorsque le vide est fait dans l’articulation.
Ensemble, ils ont développé une série d’équations qui explique ce son typique qui accompagne la libération des bulles dans l’articulation.
« La première équation décrit les variations de pression à l'intérieur de notre articulation lorsque nous la faisons craquer », a expliqué Vineeth Chandran Suja à BBC News. « La deuxième équation est une équation bien connue qui décrit les variations de taille des bulles en réponse aux variations de pression. Et la troisième que nous avons écrite consistait à coupler la variation de la taille des bulles à celles qui produisent ces sons », poursuit l’étudiant, qui est aujourd’hui en troisième cycle à l’Université de Stanford.
« Au cours du processus de fissuration des articulations, il y a des variations de pression dans l’articulation qui provoquent une fluctuation extrêmement rapide de la taille des bulles, ce qui conduit à un son que nous associons à la fissuration des articulations ».
Une seule bulle est suffisante pour produire le bruit
Ce n’est pas la première fois que des scientifiques cherchent à comprendre d’où provient le bruit que font les articulations quand on les fait craquer. Une hypothèse similaire à celle de Vineeth Chandran Suja et le Dr Abdul Barakat avait même été formulée au début des années 70 avant d’être mise en doute par plusieurs études.
La nouveauté, ici, est que la formule mathématique montre « que l’éclatement d’une seule de ces bulles est suffisant pour produire le bruit », explique à l’AFP le Dr Abdul Bakarat. Les travaux des deux chercheurs remettent aussi en cause la conclusion d’une étude de 2015, qui avançait que le craquement venait de la formation de bulles plutôt que de leur éclatement. La formule mathématique qu’ils ont développée affirme au contraire que c’est bien l’éclatement des bulles microscopiques qui produit le son. Mystère résolu.
Les craqueurs de cou
Le craquement des doigts n’est donc pas forcément mauvais pour les articulations, sauf s’il est trop fréquent ou trop appuyé. Le craquement ne se limite pas aux doigts. Il existe des craqueurs d’orteils et des craqueurs de cou. Pour le cou, c’est plus embêtant parce que c'est globalement toujours le même étage vertébral qui est sollicité. Petit à petit, les ligaments se détendent et l'étage en question devient instable. Pour contrôler cette instabilité, les muscles se contractent et à la longue, cela peut être douloureux ! Puis, il y a des articulations qui craquent sans que l’on désire le faire. C’est le cas surtout pour la hanche. Le craquement est également un bruit que l'on retrouve régulièrement lorsque l'on va chez un ostéopathe, même s'il n'est pas indispensable pour que la séance soit réussie.
Conclusion : des générations entières de parents ont menti à leurs rejetons en les menaçant d’arthrose.