Chanter faux, difficulté à entendre une fausse note, ou carrément aversion à la musique... ce sont des maux qui prêtent parfois à sourire. Pourtant, ces troubles caractérisent dans certains cas l'amusie congénitale, une maladie qui concernerait entre 2 et 4% de la population. Les personnes touchées affirment pour leur part ressentir la musique comme une langue étrangère ou comme un simple bruit. La personnanlité la plus célèbre touchée par ce handicap serait le révolutionnaire cubain Che Guevara, qui d'après les témoignages, aurait beaucoup souffert de son incapacité à entonner quelques airs sanglants mais entraînants. Cependant, l'amusie n'est due à aucun problème auditif ou psychologique.
Alors, pour tenter de répondre aux interrogations liées à cette maladie, deux équipes françaises du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CNRS / Inserm) se sont intéressées récemment à l'encodage de l'information musicale et à la mémorisation à court terme des notes, avec des résultats inédits publiés dans l'édition du mois de mai 2013 de la revue Brain.
Partant du constat déjà connu que les personnes amusiques présentent une difficulté toute particulière à percevoir la hauteur des notes (grave ou aigu) et peinent également à les mémoriser, les chercheurs ont essayé de déterminer les régions cérébrales concernées par ces difficultés de mémorisation. Ils ont ainsi effectué, sur un groupe de personnes amusiques en train de réaliser une tâche musicale, un enregistrement de magnéto-encéphalographie (technique qui permet de mesurer, à la surface de la tête, de très faibles champs magnétiques résultant du fonctionnement des neurones). La tâche consistait à écouter deux mélodies espacées par un silence de deux secondes. Les volontaires devaient déterminer si les mélodies étaient identiques ou différentes entre elles.
Les scientifiques ont alors observé que, lors de la perception et la mémorisation des notes, les personnes amusiques présentaient un traitement altéré du son dans deux régions cérébrales : le cortex auditif et le cortex frontal, essentiellement dans l'hémisphère droit. Par rapport aux personnes non-amusiques, leur activité cérébrale était retardée et diminuée dans ces aires spécifiques au moment de l'encodage des notes musicales. Ces anomalies survenaient dès 100 millisecondes après le début d'une note.
Ces conclusions, les chercheurs les ensuite confirmées grâce à des images IRM. Résultat, chez les personnes amusiques, on trouve au niveau du cortex frontal inférieur, un excès de matière grise accompagnée d'un déficit en matière blanche dont l'un des constituants essentiels est la myéline. Celle-ci entoure et protège les axones des neurones, permettant au signal nerveux de se propager rapidement. Les chercheurs ont aussi observé des anomalies anatomiques dans le cortex auditif. Ces données renforcent l'hypothèse selon laquelle l'amusie serait due à un dysfonctionnement de la communication entre le cortex auditif et le cortex frontal. Et ces travaux présentent au final un espoir pour les amusiques, car « ils permettent à présent d'envisager un programme de réhabilitation de ces difficultés musicales, en ciblant les étapes précoces du traitement des sons par le cerveau et de leur mémorisation,» concluent les scientiques. Un espoir pour les amusiques mais aussi peut être la fin d'un calvaire pour les oreilles absolues, l'aptitude, que possèderaient certaines personnes, à reconnaître et déterminer sans référence préalable, le nom d’une ou plusieurs notes correspondant au son qu'ils entendent. Les Bach ou les Mozart pourront peut-être bientôt enfin reposer en paix...