L'autisme "sera l’une des priorités de mon quinquennat parce qu’aujourd’hui il y a des dizaines de milliers de nos concitoyens, au-delà des millions de personnes vivant en situation de handicap et leurs familles, qui sont sans solution, livrés à eux-mêmes, à un quotidien auquel on n’apporte aucune réponse", avait annoncé Emmanuel Macron face à Marine Le Pen, lors du débat présidentielle 2017. Un an après, le chef de l'Etat entend bien tenir son engagement avec de nouvelles mesures.
Prévention, diagnostic précoce et inclusion sociale : tels seront les principaux enjeux du plan autisme 2018 - 2022 que présentera le Premier ministre Edouard Philippe ce vendredi au Musée d'Histoire naturelle, entouré des ministres de la Santé Agnès Buzyn, de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer et de l'Enseignement supérieur et recherche, Frédérique Vidal. 344 millions d'euros lui ont été alloués, auxquels s'ajouteront 53 millions de crédits 2018 issus du précédent plan. En janvier dernier, la Cour des comptes estimait qu'environ "1% de la population" était touchée par un trouble du spectre autistique (TSA) : soit 600 000 adultes et environ 100 000 enfants. En 2010, seules 75 000 adultes étaient diagnostiqués et pris en charge dans le secteur médico-social : moins de 20% d’entre eux bénéficiaient d’un accompagnement au sein d’une structure dédiée.
Cinq grands axes
Des données que le gouvernement entend bien inverser en réduisant le délai d'attente pour obtenir un diagnostic, accroître la scolarisation des enfants (80% d'entre eux ne le sont actuellement pas) et faciliter l'insertion des adultes dans le monde du travail. Ce plan s'articulera autour de cinq grands axes : soutenir la pleine citoyenneté des adultes autistes (115 millions), intervenir dès le plus jeune âge des enfants (106 millions), améliorer la scolarisation et ses conditions d'accompagnement (103 millions), soutenir les familles (6 millions) et relancer la recherche (14 millions). Emmanuel Macron insiste, "les personnes autistes ont le droit d'avoir la vie la plus normale possible".
À quoi les personnes autistes ont-elles droit ? pic.twitter.com/ssTWT5Ovf5
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 5 avril 2018
Diagnostic et accompagnement
Plus précisément, le gouvernement entend former et sensibiliser les médecins généralistes, pédiatres et personnels de la petite enfance et de l'école. Car si les auxiliaires de vie scolaire (AVS) reçoivent une formation de 60 heures, ils/elles n'ont ni connaissance du handicap, ni diplômes préalables. L'inculture autour de cette maladie demeure entière, ce qui rend difficile l'insertion des enfants.
Scolarisation de la maternelle aux études supérieures
De même, ce quatrième plan autisme prévoit de scolariser tous les enfants autistes dès l'âge de trois ans, de tripler le nombre d'unités spécialisées et de mettre en place un parcours scolaire adapté de la primaire au lycée afin de faciliter l'accès à l'enseignement supérieur.
On ne perd plus de temps : un enfant autiste né en 2018 sera pris en charge très tôt et fera sa rentrée scolaire en maternelle en 2021. #ChangeonsLaDonne pic.twitter.com/c62hIoOLEo
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 5 avril 2018
Dans son rapport rendu au gouvernement en mars 2017, Josef Schovanec avait dressé une liste d'axes professionnels accessibles aux personnes autistes, pour faciliter leur arrivée sur le marché du travail. Le docteur en philosophie fit un constat amère : "la non-valorisation de l'apport passé et actuel des personnes autistes à l'économie". Selon lui, les aptitudes cognitives de certaines personnes autistes serviraient pourtant dans les secteurs de l'informatique, de la haute technologie ou encore du dressage et de l'élevage d'animaux. Le gouvernement entend donc bien axer ses efforts en ce sens : 100 enseignants spécialisés seront recrutés pour former ceux qui accueillent des enfants autistes dans leurs classes.
Coûts et soutien aux familles
Un forfait pour financer le recours aux professionnels non conventionnés par l'Assurance maladie sera mis en place dès le 1er janvier 2019 afin de rembourser les frais déboursés par les parents. Une "plateforme de répit" sera ouverte dans chaque département afin d'offrir aux familles des solutions de garde pour les enfants ou d'hébergement pour les adultes autistes. De même, le gouvernement veut mettre fin aux hospitalisations inadéquates des adultes en psychiatrie : "L'objectif, c'est qu'il n'y ait plus d'hospitalisation de longue durée en matière d'autisme qui soit présente à l'issue de la stratégie" en 2022.
L’autisme bouleverse la vie d’une famille entière, aujourd’hui nous #ChangeonsLaDonne pour construire une société inclusive. Première rencontre en arrivant au centre hospitalier de Rouen. pic.twitter.com/BRiHVOqxSe
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) 5 avril 2018
Logement et insertion dans le monde du travail
"Je veux déplacer le centre de gravité du médico-social vers l'école pour faciliter le parcours de vie des personnes", assurait Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées le 2 avril sur Europe 1. Ainsi avait-elle insisté sur l'ambition du gouvernement de s'occuper du "logement inclusif" et du "retour à l’emploi, parce qu’on se prive de talents colossaux en n’accompagnant pas les personnes avec autisme à l'emploi". Ce quatrième plan prévoit donc l'ouverture de colocations en logements sociaux pour les adultes autistes et le doublement des crédits de l'emploi accompagné. Les dispositifs de mise en situation professionnelle seront également renforcés.
Qu'est-ce que l'autisme ?
Le gouvernement semble décidé à chasser les idées reçues pour favoriser l'insertion des enfants autistes dans la société : 37 % des Français pensent, à tort, que l’autisme est un trouble psychologique (étude Opinion Way, 2012). Or il s'agit d'un trouble chronique appartenant aux "Troubles du Spectre Autistique" (ou "TSA") qui sont caractérisés par des altérations qualitatives des interactions sociales, des problèmes de communication (langage et communication non verbale), ainsi que par des troubles du comportement correspondant à un répertoire d’intérêts et d’activités restreint et répétitif. Selon Sophie Cluzel, "il faut faire de la pédagogie, mieux montrer le handicap, afin de changer le regard de notre société".
Comment le diagnostiquer ?
Les premiers signes évocateurs apparaissent souvent à 18 mois. Les parents sont donc souvent les premiers à s'en rendre compte : lorsque l’enfant est trop calme ou au contraire, trop excité. Lorsqu'il semble indifférent au monde sonore et aux personnes qui l’entourent. S'il ne répond pas à l'appel de son prénom, ne montre pas ses émotions et fuit le regard. S'il ne réagit pas (ou peu) aux séparations et aux retrouvailles, ne sourit pas (ou rarement) et reste silencieux.
S'il ne se reconnaît pas dans un miroir, a des troubles de la marche sans cause physique, ne joue pas à faire "coucou" et ne cherche pas à imiter les adultes. S'il ne parle pas, n’arrive pas à répéter les mots et ne comprend pas les nouveaux mots. S'il développe des comportements répétitifs (reproduit toujours le même geste) et s’intéresse à un nombre très restreint d’objets. S'il ne joue pas de façon adaptée et souvent, se contente d’aligner ses jouets. Ou encore, s'il a des troubles du comportement alimentaire (ne mange qu’un seul aliment).