Le professeur Philippe Damier, neurologue au CHU de Nantes, est un de nos plus brillants spécialistes de cette maladie. Une tradition de la neurologie française.
Il vient de dévoiler une nouvelle piste de recherche, de nouveaux médicaments qui vont être testés.
Ils font partie de ce que l’on appelle l’immunothérapie, qui est en train d’ailleurs de bouleverser le traitement des cancers.
Booster l’immunité
Pour faire simple, avec l’immunothérapie, on mise sur les capacités insoupçonnées que possède chacun de nous, pour lutter contre les cellules ennemies, en boostant nos défenses immunitaires, nos mécanismes de défense naturels qui sont débordés en cas de maladie.
L’immunothérapie, c’est un missile qui, une fois injecté, n’a qu’un objectif : repérer un type de cellule ou une substance, bien précis, et le détruire en ignorant totalement les autres cellules.
Les médecins, dont le professeur Philippe Damier, qui a fait entrer le premier patient européen dans l’étude, ont eu l’idée d’utiliser un de ces produits d’immunothérapie qui venait d’être essayé dans la maladie d’Alzheimer, malheureusement sans succès.
Mais les « substances » à éliminer dans le cerveau étant différentes entre les deux maladies, il était intéressant de tenter l’expérience dans la maladie de Parkinson.
Pour le neurologue nantais, "il s’agit de ralentir le processus dégénératif, voire de stopper si on arrive au tout début de la maladie. Cela veut dire une bien meilleure qualité de vie, moins de fatigue, de raideurs, de problèmes gestuels, de troubles intestinaux. Moins de tremblements aussi, même si ce symptôme ne concerne que 30 % des patients". Ce qui est déjà beaucoup.
Une conséquence à cette stratégie, les malades concernés ne peuvent être que des malades très récents chez qui débute la maladie.
Cela fait une quinzaine d’années qu’on sait que l’immunothérapie est le plus grand espoir de traitement de nombreuses maladies. L’essai qui concernera 200 patients sera terminé et analysé dans les 3 ou 4 ans. « C’est excitant et cela peut marcher… », dit à Pourquoi Docteur le Pr Philippe Damier. Le service de Nantes est d’ailleurs inondé d’appels auxquels il ne peut pas donner suite.
Avec l’immunothérapie, on peut espérer que l’espoir de victoire a enfin réellement changé de camp. En attendant, reste à poursuivre le traitement des malades qui souffrent avec plusieurs possibilités.
Le tremblement
« Tu trembles, carcasse… », une réplique de théâtre qui ne fait pas rire les 120 000 Français qui souffrent de la maladie de Parkinson, car précisément, le tremblement est le principal symptôme de ce mal. Mais attention, si tout Parkinsonien tremble, tout trembleur n’est pas un parkinsonien. Et il y a intérêt à faire la différence, car les traitements seront eux, aussi différents. Le tremblement n’est d’ailleurs pas le seul problème du Parkinson. S’y associent une rigidité des muscles et une rareté des mouvements volontaires, ce qui donne au parkinsonien cet aspect. Le malade atteint d’un Parkinson est figé, tendu comme un arc et trembleur. Le parkinsonien, lorsqu’il veut faire un mouvement, a du mal à démarrer : rareté du geste, difficulté à l’effectuer, lenteur. Et aucun muscle n’y échappe, donnant cet aspect sans expression du visage. Pourtant, bien que ne pouvant presque plus contrôler sa motricité, le parkinsonien est un condamné aux mouvements volontaires à perpétuité. Car c’est bien cela le paradoxe de cette maladie. Au repos se produit un tremblement régulier, une dizaine de petits mouvements par seconde. On dirait que le malade « émiette du pain en permanence ». Un paradoxe que celui qui a donné son nom à la maladie avait parfaitement décrit. Sir James Parkinson parlait en effet de « paralysie tremblante ». Cette maladie touche en France environ 100 000 personnes, soit 1 % de la population âgée de 50 ans ou plus. On dénombre 8 000 cas nouveaux chaque année. Les premiers symptômes apparaissent entre 40 et 60 ans, touchant plus souvent les hommes que les femmes, avec une préférence familiale assez nette. Détail surprenant – et pour une fois, les fumeurs vont être contents –, il semble que le tabac soit un facteur protecteur. Le problème que pose cette maladie aux médecins est qu’en l’état de nos connaissances, il n’existe aucun traitement définitif. L’évolution est inexorable et aboutit à une invalidité majeure, d’où un coût social très important.
Les médicaments
La maladie de Parkinson est due au manque d’une substance, la dopamine, elle-même contrôlée par une zone minuscule située au milieu de notre cerveau. La cause paraissant identifiée, on pourrait penser que des médicaments à base de dopamine peuvent régler le problème. En vérité, ils l’atténuent, mais en aucun cas ils ne le suppriment. Et encore, pas toujours, car les mécanismes de nos centres nerveux sensibles à cette dopamine sont au moins au nombre de 5, ce qui multiplie par autant la complexité du traitement. Toutefois, il faut là rendre hommage à la L-DOPA qui a révolutionné le traitement de la maladie. Car on sait que c’est le déficit en cette substance qui explique les désordres au niveau du cerveau. Mais il est délicat de trouver le bon dosage et l’efficacité a tendance à s’estomper dans le temps avec des effets secondaires gênants, plus les doses augmentent.
Les chirurgiens de l’âme
Pourtant, à côté de la chimie, un véritable vent d’espoir souffle aussi sur cette maladie grâce à la chirurgie. Et comme souvent en médecine, ce sont les Français qui sont les plus novateurs.
La technique est née en France, à Grenoble, des mains du génial Professeur Alim-Louis Benabid. La médecine sait de mieux en mieux identifier les zones responsables des maladies du cerveau. Par exemple dans la maladie de Parkinson, les cellules nerveuses qui provoquent les mouvements anarchiques qui caractérisent cette maladie. Le Pr Benabid a eu l’idée, plutôt que de détruire, d’aller annuler les effets néfastes de ces cellules en leur infligeant une stimulation électrique au cœur même du cerveau. Grâce à des techniques d’intervention sous surveillance radiographique constante, avec une minutie extrême, on implante deux électrodes de façon très précise exactement là d’où part le mal. Les deux électrodes sont ensuite reliées à une pile électrique que l’on loge sous la peau, à la base du cou. Les connexions réalisées, il n’y a plus qu’à régler la puissance de la stimulation pour voir les tremblements du parkinsonien disparaître. Et ça marche ! Des milliers de malades bénéficient de cette technique.
Elle donne des résultats prometteurs, mais devant son coût, elle doit être réservée aux malades très atteints et réfractaires aux médicaments. Car, un des traits les plus étonnants de cette maladie est que bien que l’aspect physique soit très dégradé, l’état mental est parfaitement conservé. Expliquant la détresse intellectuelle de ceux qui souffrent. Expliquant le nombre de dépressions nerveuses associées, justifiant peut-être le geste tragique de Bernard Buffet, « ce peintre perdu dans le monde de Parkinson ».