Le recrutement du système immunitaire est devenu un enjeu majeur dans la lutte contre le cancer et remplace peu à peu la chimiothérapie. Un nouveau type de vaccin contre le cancer, un « vaccin personnalisé », donne des résultats prometteurs dans un premier essai clinique mené à la Perelman School of Medicine, en Pennsylvanie.
Le vaccin personnalisé est fabriqué à partir des propres cellules immunitaires des patients, qui sont exposées en laboratoire à des fragments des cellules tumorales du cancer du même malade, puis réinjectées pour initier une réponse immunitaire globale contre ce même cancer.
L'essai, mené chez des malades atteintes de cancer de l'ovaire à un stade avancé, est un essai pilote visant à déterminer la sécurité et la faisabilité du processus, mais l’efficacité est évidente : environ la moitié des patients vaccinés ont des réponses T anti-tumorales, et ces « répondeurs » ont tendance à vivre beaucoup plus longtemps sans progression tumorale que ceux qui ne répondent pas. L'étude est publiée dans Science Translational Medicine.
Nouvelle génération de vaccin anticancéreux
La plupart des vaccins anticancéreux développés à ce jour ont été conçus pour reconnaître et attaquer une seule molécule spécifique, comme un récepteur à la surface de la cellule cancéreuse, molécule retrouvée chez tous les malades ayant ce type de tumeur.
L'approche de l'équipe de recherche est plus ambitieuse. Chaque vaccin est essentiellement personnalisé pour un seul malade, en utilisant sa propre tumeur qui a un ensemble unique de mutations et donc un ensemble de cibles particulier pour le système immunitaire. C'est aussi un vaccin contre les tumeurs entières, destiné à stimuler une réponse immunitaire non contre une seule cible d’une seule tumeur, mais des centaines ou des milliers de cibles des cellules de cette même tumeur.
« L'idée est de provoquer une réponse immunitaire qui va cibler la tumeur très largement, en frappant une variété de marqueurs tumoraux, y compris certains qui ne seraient trouvés que sur cette tumeur particulière », a déclaré Janos Tanyi, professeur adjoint d'obstétrique et de gynécologie à Penn Medicine.
Une sensibilisation des cellules éducatrices du système immunitaire
Le vaccin exploite le processus naturel d’éducation immunitaire des lymphocytes T contre les tumeurs, mais l'améliore pour aider à surmonter les défenses très sophistiquées des cancers.
Tanyi et ses collègues ont fabriqué le vaccin de chaque patient en passant au crible les cellules du sang périphérique du patient pour y trouver les cellules précurseurs appropriées, puis en les faisant croître en laboratoire, dans un environnement de cellules dendritiques et de fragments de tumeur.
Les cellules dendritiques sont en quelque sorte des cellules éducatrices des lymphocytes T, essentielles pour développer une réponse immunitaire efficace des lymphocytes T. Ces cellules ingèrent normalement des agents pathogènes infectieux, des cellules tumorales ou toute autre substance considérée comme « étrangère », et présentent des fragments de cet agent exogène aux lymphocytes T et à d'autres cellules du système immunitaire, afin de déclencher une réponse immunitaire spécifique.
Les chercheurs ont donc exposé les cellules dendritiques à des extraits spécialement préparés de la tumeur du patient. Ils ont activé les cellules immunitaires avec de l'interféron gamma pour les rendre plus actives, et les ont injectées dans les ganglions lymphatiques du patient, afin d'amorcer une réponse des lymphocytes T.
100% de survie chez les répondeurs
L'équipe a testé cette stratégie sur un total de 25 malades, dont chacun a reçu une dose de ses propres cellules dendritiques exposées à des fragments de sa propre tumeur, toutes les trois semaines, dans certains cas pendant plus de six mois. La moitié des malades qui ont pu être évalués ont montré de fortes augmentations du nombre de lymphocytes T spécifiquement réactifs au matériel tumoral, ce qui indique une bonne réponse à la vaccination.
« Le taux de survie globale à 2 ans de ces patients répondeurs est de 100%, alors que le taux pour les non-répondeurs était de seulement 25% », a déclaré Tanyi.
Une patiente, une femme de 46 ans, a débuté l'essai alors qu’elle était atteinte un cancer de l'ovaire de stade 4 après cinq cycles de chimiothérapie, un stade qui a généralement un très mauvais pronostic. Elle a reçu un total de 28 doses de son vaccin personnalisé sur une période de deux ans, et par la suite, elle est restée sans maladie pendant cinq ans.
Une étude à grande échelle en cours
La découverte chez plusieurs des répondeurs, de lymphocytes T induits par le vaccin qui ont une forte affinité pour des structures uniques à la surface de leur tumeur (« néoépitopes ») est également prometteuse. En principe, une attaque des tumeurs par de tels lymphocytes T devrait être particulièrement puissante ainsi que hautement spécifique de la tumeur et permettrait de préserver les cellules saines.
Les tumeurs ont généralement un répertoire de défenses moléculaires qu'elles peuvent utiliser pour supprimer ou échapper aux attaques immunitaires, ce qui explique pourquoi les vaccins contre le cancer et les immunothérapies ont eu des résultats mitigés dans les essais cliniques jusqu’à ce jour. Tanyi et ses collègues espèrent donc à l'avenir améliorer l'efficacité de leur vaccin en le combinant avec d'autres médicaments qui désactivent les défenses immunitaires anti-tumorales.
Une étude à plus grande échelle avec cette nouvelle technique de vaccin personnalisé est planifiée.