Depuis plusieurs années, l’autorité des experts est remise en cause par les malades, et c’est particulièrement le cas pour la maladie de Lyme où on en est au stade des plaintes en justice.
A l’origine de ces plaintes, la volonté des malades de contester les tests diagnostiques en vigueurs (ELISA et Western-Blot ou immunoblot), tests qui selon eux ne diagnostiqueraient pas la maladie chez certains malades, ainsi que la demande de traitements antibiotiques prolongés chez les malades qui souffriraient d’une forme « chronique » de la maladie.
Les tests diagnostiques contestés par les malades
Les tests ELISA et immunoblot sont en vigueur en France depuis le consensus de la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF) de 2006 et il faut bien dire que ce sont les tests les plus étudiés au plan scientifique, ainsi que les tests recommandés également dans les autres pays développés.
Un business s’est développé autour d'autres tests avec la promotion de différentes méthodes « alternatives » par des acteurs plus ou moins légitimes. Divers groupes de pressions prônent l’utilisation de tests, plus sensibles, mais aussi beaucoup moins spécifiques, avec l’espoir d’augmenter le nombre de malades "validés".
De ce point de vue, le nouveau protocole de soin, d'après ce qui s 'écrit ici ou là, ne supprimerait pas les tests mais ne les rendrait plus indispensables au diagnostic. Un argument discutable, sauf en cas d'érythème chronique où ils ne sont pas positifs.
Le traitement antibiotique prolongé demandé par les malades
Autre point de conflit avec les spécialistes des maladies infectieuses, la reconnaissance de la « maladie de Lyme chronique », les médecins préférant parler de « syndrome chronique post-Lyme ». Il s’agit des malades avérés qui ont reçu un traitement antibiotique mais chez lesquels des douleurs et des symptômes non spécifiques mais chroniques.
Ces douleurs, fatigue et autres symptômes aspécifiques peuvent être secondaires à un syndrome d’activation immunitaire, qui survient parfois après une infection bactérienne ou virale et est connu de longue date. Mais différents lobbyistes cherchent à promouvoir le concept de persistance de la bactérie dans le corps, et donc de nécessité du traitement antibiotique prolongé.
Ceci est fait à travers quelques publications dans des revues scientifiques de 2ème ordre et dont les résultats seraient largement critiqués par d’autres spécialistes. Les « preuves » invoquées seraient de même nature que celles qui avaient été mises en avant pour expliquer la théorie infectieuse de la polyarthrite rhumatoïde il y a 30 ans !
Un protocole national politique plus que scientifique ?
Élaboré depuis un peu plus d'un an par des médecins et associations de patients, le protocole national de diagnostic et de soin (PNDS) doit définir les modalités de prise en charge de la maladie de Lyme provoquée par la bactérie Borrelia burgdorferi à la place des recommandations de 2006. Il devrait prochainement être validé par la Haute Autorité de Santé (HAS), mais pas forcément par la Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF), la société scientifique des spécialistes français des maladies infectieuses qui en désapprouve certains aspects. Une première.
A ce stade d’opposition, il convient de regarder ce que font nos voisins. Les belges, les Suisses et les Allemands ont des recommandations extrêmement proches des recommandations françaises de 2006, et certaines sont très récentes ce qui ne plaide pas en faveur de grandes révolutions. Les anglais viennent de mettre à jour leurs propres recommandations, celles du NICE, et elles semblent proposer quelques évolutions mais réfutent le traitement antibiotique prolongé.
Guidance on choosing an antibiotic when treating people with #LymeDisease #BMJInfographic @will_s_t https://t.co/PcEEAK2yBi pic.twitter.com/m7ekbDqHhZ
— The BMJ (@bmj_latest) April 15, 2018
Les recommandations anglaises
Ces recommandations du NICE, le très sérieux et très indépendant institut des recommandations britanniques, sont basées sur une analyse soigneuse des données scientifiques valides les plus récentes.
Le diagnostic reste basé sur des symptômes, un contexte évocateurs et les tests diagnostiques classiques (ELISA et immunoblot), mais uniquement si ces derniers sont réalisés dans des laboratoires validés. Cette règle est stricte sauf en cas d’érythème chronique typique où les tests ne sont pas encore positifs et où le traitement antibiotique peut être débuté immédiatement (comme en France).
Le traitement antibiotique proposé est désormais recommandé à des doses plus élevées et pour des durées plus prolongées qu’antérieurement (3 semaines), afin d’éviter le plus possible un échec lié à un sous-traitement.
Le NICE souligne que les symptômes de la maladie de Lyme peuvent prendre des mois ou des années pour disparaître, même après un traitement antibiotique bien conduit, et ce pour plusieurs raisons : autres diagnostics que le Lyme ou co-infections avec le Lyme, réinfection avec Borrelia burgdorferi, échec du traitement antibiotique, réaction immunitaire post-infection et lésions séquellaires à la maladie de Lyme dans différents organes.
Une deuxième cure d’antibiotique peut être envisagée si la persistance des symptômes fait suspecter un échec au premier traitement. La maladie de Lyme chronique et le traitement prolongé ne sont pas reconnus.