Près de 1300 soldats américains ont été blessés aux parties génitales en Irak et en Afghanistan et 30% d’entre eux ont eu des lésions du pénis, parfois très sévères. Une mutilation qui confine les personnes à la solitude et qui paraissait jusqu’ici irréversible.
Les progrès de la greffe et du traitement immunosuppresseur de tissus complexes, comme la greffe du visage, ouvrent une nouvelle voie pour ces hommes qui ont sacrifié leur identité masculine au service de leur patrie. Des chirurgiens, du John Hopskin Hospital, à Baltimore, ont réalisé la première greffe quasi-complète des organes génitaux externes chez un jeune soldat mutilé (les testicules n'ont pas été transplantés). C’est l’histoire passionnante racontée par nos confrères du New York Times.
Première greffe des organes génitaux externes
D’autres greffes de pénis avaient été réussies auparavant (Afrique du sud en 2014 et 2 fois depuis, et Boston en 2016). Mais dans le cas présent, la greffe est plus complexe et plus complète puisqu’elle a associée la greffe du scrotum et d’un large morceau de l’ensemble de la paroi abdominale (30 cm sur 30 cm).
Ce n'est pas seulement une greffe pour faire pipi et avoir des pseudo-érections avec un implant donc. Mais, c'est une greffe pour restaurer une fonction urinaire et une fonction sexuelle normales, c’est-à-dire « l’identité et l’humanité d’une personne » d’après son chirurgien.
Un traumatisme au-delà de la seule mutilation
« Quand je me suis réveillé, je me suis enfin senti entier », a déclaré le jeune soldat américain qui a subi l’opération (il a requis l'anonymat). Ce vétéran des guerres d’Afghanistan a été blessé et mutilé il y a plusieurs années par un engin explosif artisanal.
En même temps que ses parties génitales, il a perdu également ses jambes, amputées au-dessus des genoux. Mais, la perte de son pénis le faisait se sentir vraiment exclu de la société des hommes. Cette greffe, au-delà de « pisser debout » ou avoir des relations sexuelles, c’est surtout pouvoir retrouver une vie et des relations normales.
Une opération complexe
En choisissant de transplanter « tout le paquet » avec la paroi abdominale, les chirurgiens se sont attaqués à une opération beaucoup plus complexe qu’une simple transplantation de pénis, mais aussi potentiellement beaucoup plus fonctionnelle (voir la vidéo ci-dessous). Il s’agit de reconnecter tous les nerfs et les vaisseaux et de donner un traitement immunosuppresseurs plus lourd, car la partie profonde de la peau est riche en cellules immunitaires.
Il a fallu aussi trouver un donneur le plus compatible possible pour limiter les risques de rejet et lui prélever aussi des cellules immunitaires afin de réduire les doses d'immunosuppresseurs. La famille du donneur, qui compte plusieurs vétérans des guerres américaines, a donné son accord et même ses encouragements « du fond du cœur ».
L'expérience des greffes combinées
Cette greffe, au-delà de la prouesse technique de raccorder tous les nerfs, les vaisseaux sanguins et le canal urinaire, l'urètre. Elle permet une meilleurs fonction des corps caverneux qui permettent une érection naturelle. La repousse naturelle des nerfs permet de sentir des sensations normales. Les greffes de visages qui sont aussi des greffes complètes permettent d'envisager désormais ce type de greffe. Les équipes françaises sont prêtes à réaliser ce type de greffe.
Les testicules du donneur n’ont pas été transplantés pour des raisons éthiques. Le greffé n’aura donc pas d’enfants. Mais, si tout se passe bien, et avec l’aide d’une supplémentation en hormone et de médicaments des troubles de l’érection, le receveur pourra avoir des relations sexuelles normales... mais d’ici quelques mois : les nerfs repoussent d’environ un millimètre par jour, donc cela dépend de la taille du pénis que l’on lui a greffé.
Retrouver une place normale dans la société
Le jeune vétéran, qui est aujourd’hui étudiant en médecine souffrait de se sentir exclus. Au retour d’Afghanistan, dans la salle de l’hôpital, il entendait d’autres blessés dire qu’ils se seraient suicidés si la même chose leur était arrivée. Même si ce type de propos le blessait, il n’a jamais pensé « à se suicider pour un pénis ». Par contre, la perte de ses organes génitaux, en diiférenciant des autres hommes, l’excluait plus de la société que la perte de ses jambes. Il a même prolongé les opioïdes à cause de cela pendant un certain temps.
En se réveillant après la transplantation, il s’est paradoxalement senti « entier », alors qu’il avait subi également une lourde amputation de ses jambes et qu’il marche avec des prothèses. Il se posait avec inquiétude la question de savoir comment il percevrait ce nouveau pénis : mais il sent désormais que celui-ci est « à lui ».
Ce jeune soldat, et désormais étudiant en médecine, a préféré garder l’anonymat en raison de la stigmatisation attachée à ce type de mutilations, mais il espère maintenant terminer ses études de médecine, prendre sa place dans la société et, peut-être avoir une relation affective et une vie enfin « normale ».