Comment réussir à mener ses activités quotidiennes lorsque le mouvement d’un seul poil sur le bras risque de provoquer une douleur intense ? C’est la question que se posent les 7 à 8% de personnes souffrant en Europe de douleurs neuropathiques chronique.
Cette maladie chronique est liée à un dysfonctionnement du système nerveux traitant le message neurologique de la douleur ("le circuit de la douleur") et s’avère être un véritable cauchemar pour les personnes qui en sont atteintes. Ne bénéficiant pour le moment d’aucun traitement véritablement efficace, ces douleurs neuropathiques peuvent être légères ou intermittentes.
Toutefois, pour une infime minorité de patients, la douleur ressentie est si intense que chaque activité du quotidien devient un supplice à accomplir. L'anomalie sur le circuit de la douleur peut être, soit centrale (au niveau de la moelle épinière ou du cerveau), soit périphérique. Dans ce cas, c’est le contact de la peau avec n’importe quoi qui provoque la douleur ("hyperpathie").
Couper les terminaisons nerveuses de la peau
C’est à ces patients souffrant de douleur neuropathique périphérique que des chercheurs rattachés au Laboratoire Européen de Biologie Moléculaire (EMBL) à Rome pourraient venir en aide. Leurs travaux, publiés dans la revue Nature Communications, portent sur une série de cellules appelées TrkB-positives et responsables de la douleur chronique. Ils y exposent aussi le traitement qu’ils ont mis au point pour soulager la douleur neuropathique sur des souris : un produit chimique sensible à la lumière qui se lie sélectivement à ce type de cellules nerveuses.
Les chercheurs ont commencé par modifier les cellules TrkB-positives afin de les rendre sensibles à la lumière. Ils ont ensuite testé leur traitement sur des souris, en l’appliquant sur une parcelle de peau sensible à douleur neuropathique. Exposées à la lumière infrarouge, les cellules nerveuses se rétractent de la surface de la peau, entraînant un soulagement de la douleur.
L’utilisation de la lumière a pour conséquence de couper les terminaisons nerveuses de la peau : la douleur intense que ressentent les patients neuropathiques au moindre contact cutané disparaît alors instantanément. "C'est comme manger un curry fort, qui brûle les terminaisons nerveuses dans la bouche et les désensibilise pendant un certain temps, analyse le Dr Paul Heppenstall, chercheur à l’EMBL et principal auteur de l’étude. La bonne nouvelle à propos de notre technique est que nous pouvons cibler spécifiquement le petit sous-groupe de neurones causant la douleur neuropathique."
Un test in vitro sur des tissus humains
Toutefois, le traitement mis au point par l’équipe du Dr Heppenstall n’est pas permanent. En effet, les terminaisons nerveuses coupées repoussent au bout de quelques semaines, provoquant à nouveau la douleur.
Ce qui n’empêche pas les chercheurs de poursuivre leurs travaux, notamment sur du tissu cutané humain in vitro. En l’étudiant, ils se sont aperçus que sa composition globale et la spécificité de ses neurones semblent être similaires à celui des souris, ce qui indique que le traitement pourrait être efficace dans la gestion de la douleur neuropathique chez les humains.
"Bien sûr, beaucoup de travail doit être fait avant que nous puissions faire une étude similaire chez les personnes souffrant de douleurs neuropathiques, c'est pourquoi nous recherchons activement des partenaires et sommes ouverts à de nouvelles collaborations pour développer cette méthode, avec l'espoir d’un jour la voir utiliser de manière clinique", conclut le Dr Heppenstall.