Paracatémal, ibuprofène, aspirine... Le magazine 60 Millions de consommateurs a publié jeudi un rapport bénéfice-risque d’une trentaine de traitements sans ordonnance que nous avons l'habitude d'utiliser.Une analyse qui ne laisse pas grand chose à la disposition des malades qui souffrent.
Une analyse très (trop ?) pharmacologique qui peut surtout être critiquable au plan médical où il s'agit d'arbitrer entre les risques. A l'heure où les Etats-Unis sont affligés d'une épidémie de toxicomanies aux antalgiques opioïdes, il faut raison garder quand on affirme que l'ibuprofène et l'aspirine sont dangereux : c'est surtout le cas chez certains malades et en cas d'association hasardeuse.
Le paracétamol oui, mais avec modération
Selon l’association de défense des consommateurs, le paracétamol serait "le meilleur rapport bénéfice-risque" des antidouleurs examinés. Pour autant, alerte le professeur François Chast de l'Académie nationale de pharmacie, ce "n'est pas un bonbon. À 3 g par jour, il est anodin. À 10 g par jour, il devient potentiellement mortel".
Il aurait même pu aller plus loin : la dosage paracétamol doit être proportionnel au poids et aux capacités de détoxification du foie. Chez l'enfant sans insuffisance de fonctionnement du foie (sans insuffisance hépatique), le paracétamol doit être pris à la dose de 60 mg par kg de poids et par jour, mais sa durée d’action est courte, 2 à 3 heures dans la majorité des cas, ce qui impose de la prendre en 4 prises par jour.
Le mensuel recommande de n’en consommer que durant trois à cinq jours maximum et de privilégier la marque Dafalgan, le produit le moins dangereux et le plus efficace selon lui. Le Doliprane est moins bien noté par 60 Millions de consommateursen raison de sa composition (gluten, lactose, sodium, saccharose, sorbitol et aspartame), mais fait tout de même partie des antidouleurs les plus efficaces et les moins dangereux selon le mensuel. Cette préférence pour le Dafalgan est peut être un peu abusive, par contre si une douleur de cause mal connue persiste, il est clair qu'il vaut mieux consulter un médecin... à condition de trouver un rendez-vous.
Le marché juteux des antidouleurs à base de paracétamol
En France, le marché des antidouleurs à base de paracétamol se porte bien : selon le site spécialisé Planetoscope il se vend chaque année "245 millions de boites de Doliprane du groupe Sanofi pour un chiffres d'affaires de 245 millions d'euros" et "181 millions de boites d'Efferalgan pour un chiffres d'affaires de 180 millions d'euros". Le marché des antidouleurs à base de paracétamol a doublé entre 2002 et 2012 et représente 1,2 milliards d'euros. Plus précisément, "il se vend près de 14 boites par seconde ou 422 millions de boites par an". Depuis le 1er janvier 2018, plus de 139 580 000 de comprimés Doliprane et Efferalgan ont été consommés par les Français.
Attention tout de même à la grossesse : une récente étude avance que prendre du paracétamol de manière prolongée quand on est enceinte expose son futur enfant augmentait de 30% le risque de développer un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) et de 20% celui de développer un trouble du spectre autistique (TSA), par rapport aux femmes n’ayant pas pris cet antalgique quand elles étaient enceintes. A mois que ce ne soit la douleur de la mère qui augmente ce risque, car il est en effet rare de prendre du paracétamol sans douleur.
En 2016 dans l’Orne, l’Ordre régional des médecins avait sanctionné un médecin régulateur du Samu qui avait prescrit trop de paracétamol à un nourrisson fiévreux, finalement décédé un mois après son hospitalisation. Si ce degré de conséquences est rarement observé, les erreurs de dosage sont relativement fréquentes dans le rayon des traitements buvables et le risque peut être fatal.
Doliprane et alcool, un mariage explosif
Le magazine met avec raison en alerte contre les association hasardeuses et, en particulier, le mariage explosif du Doliprane et de l'alcool. "Le problème de l’alcool, c’est que celui qui est métabolisé ou détoxifié par le foie, consomme l’usine à détoxification du paracétamol,confirme François Chast, président honoraire de l’Académie nationale de pharmacie interrogé par France Info.
Les deux produits sont détoxifiés par les mêmes enzymes hépatiques, les mêmes types de mécanismes cellulaires. Et donc, à un moment, quand on a consommé trop d’alcool, on a épuisé ses chances de détoxification du paracétamol et il devient toxique pour le foie, au point qu’on peut avoir de véritables lyses hépatiques".
Le magazine aurait pu préciser que c'est la même chose en cas d'association avec certains médicaments. Le paracétamol est un vrai médicament qui comme tous les médicaments ne doit pas être utilisé sans vérifications. Le paracétamol ne doit pas être utilisé à forte dose avec certains antiépileptiques, la rifampicine... et même certains AINS.
L'ibuprofène en deuxième choix
L'ibuprofène peut être utilisé en second choix : le magazine recommande l'Antaréne, l'Advil, le Nurofen et Spedifen. EN réalité, il faut savoir que l'ibuprofène est un véritable anti-inflammatoire, mais qu'à faible dose, il est essentiellement antalgique.Faibles doses, cela veut dire :
Donc, à forte dose, l'ibuprofène expose à des risque digestifs et rénaux, voire à déstabiliser un traitement antihypertenseur. Comme il s'agit d'un AINS, il ne faut bien évidemment pas l'associer à un autre AINS sous peine de majoration des toxicités digestives et rénales, et il ne doit jamais être associé à un anticoagulant, sous peine d'accident hémorragique.
En janvier 2018, une étude avançait cependant que la prise régulière et continue d’ibuprofène, fréquente en médication familiale et fréquemment abusive chez les jeunes hommes sportifs de haut niveau, perturbe le fonctionnement normal du testicule, entraine un déséquilibre hormonal et des troubles de la formation des spermatozoïdes, habituellement rencontrés chez l’homme âgé, et appelé "hypogonadisme compensé".
L'aspirine est "à éviter"
L'aspirine en revanche, engendrerait une toxicité rénale et hépatique, voire des risques de saignements gastro-intestinaux incompatible avec une sécurité générale : tous les médicaments étudiés composés d'aspirine sont "à éviter", insiste le mensuel. C'est à la fois vrai et faux. C'est en particulier vrai chez l'enfant où l'aspirine expose à un risque de complications de foie rare mais gravissime : le syndrome de Reyes. L'aspirine est donc contre indiquée chez l'enfant et l'adolescent.Chez l'adulte, l'aspirine ne doit jamais être associée à un AINS ou à un anticoagulant sous peine de risque d'hémorragies.
Chez l'adulte, l'aspirine expose effectivement à plus de risque de saignements digestifs que les AINS, c'est même pourquoi ces derniers ont été développés après la découverte de l'aspirine. Des millions de malades prennent pourtant de l'aspirine tous les jours, certes à petite dose, pour prévenir les récidives d'accidents cardiovasculaires. Certains en prennent même pour prévenir les cancers. Donc il faut discuter au cas par cas avec son médecin ou son pharmacien.
Après un AVC ou un infarctus du myocarde, l’aspirine réduit les risques de récidive. En Europe, 40 à 60 % des personnes âgées en bénéficient. Mais chez les plus de 75 ans, cette approche pourrait comporter plus de risques que de bénéfices selon une étudepubliée en juin 2017 dans la revue Lancet. En effet, même à un dosage réduit, l’aspirine comporte un risque d’hémorragie digestive. Après 75 ans, le risque est multiplié par trois.