"Nous déplorons que l’INCa persiste à mésinformer les femmes, au risque de leur santé et au mépris de leurs droits les plus élémentaires." C’est en ces termes peu diplomates que s’achève la lettre ouverte envoyée par un collectif d’acteurs de la santé à l’Institut national du cancer (INCa), pour protester contre le nouveau site d’information sur le dépistage du cancer du sein lancé en début d’année.
Le document est signé par cinq acteurs du monde de la santé : le collectif Formindep, qui milite pour une formation médicale indépendante, l’association Cancer Rose, opposée au dépistage massif du cancer du sein, le médecin-blogueur Dominique Dupagne, l’association de consommateurs UFC Que Choisir et le groupe Princeps, de lutte contre la surmédicalisation. Tous appellent l’INCa à réviser leur site et la plaquette d’information associée afin d’en gommer les "insuffisances".
"L’objectif de l’information doit être de permettre aux femmes de prendre une décision personnelle éclairée, et non de remplir des quotas de participation", dénoncent les auteurs, pour qui l’agence s’attache à minimiser les risques du dépistage. Et le collectif de rappeler que la concertation citoyenne organisée en 2016 avait demandé "une information claire, précise, complète, loyale et neutre" sur le dépistage du cancer du sein.
Une balance bénéfices-risques débattue
Le cœur de la polémique repose sur la balance bénéfices-risques du dépistage de masse. Sans conteste, la mammographie permet de diagnostiquer des cancers de façon plus précoce, et donc d’améliorer les chances de guérison. Mais on ne sait pas toujours identifier les tumeurs agressives, de sorte que certaines femmes seront diagnostiquées et traitées pour des cancers qui n’auraient pas évolué de leur vivant. Avec un cortège d’effets indésirables lourds : ablation du sein, radiothérapie, stress et angoisse…
"Il est maintenant établi que pour 1 à 6 décès par cancer du sein évités, 19 femmes seront diagnostiquées avec un cancer qui n’aurait jamais menacé leur vie", indiquent ainsi les signataires de la lettre ouverte, citant une synthèse de la revue Prescrire.
La place de l’incertitude
Mais l’ampleur de ce surdiagnostic fait débat, au vu de données scientifiques assez disparates. "Selon les estimations, le rapport entre le nombre de décès par cancer évités et le nombre de cancers surdiagnostiqués varie de 2 décès évités pour un 1 cas de surdiagnostic à 1 décès évité pour 10 cas de surdiagnostic", indique ainsi l’INCa sur son site (octobre 2017).
Avec une telle fourchette, le débat fait rage. Depuis plusieurs années déjà, le mois d’Octobre Rose est l’occasion d’une bataille de communication entre les promoteurs d’un dépistage massif et les défenseurs d’une position moins tranchée, tandis que le taux de dépistage stagne à 50 %.
Conscient de ce problème, le ministère de la Santé, alors dirigé par Marisol Touraine, avait organisé la concertation citoyenne de 2016 et décidé d'engager une refonte du dépistage afin de laisser plus de place au choix individuel. Une fois informée au mieux des données de la science et des incertitudes, chaque femme doit pouvoir choisir ou non de se faire dépister à partir de 50 ans. Le site d’information de l’INCa respecte-t-il suffisamment cette logique du dépistage personnalisé ? La question est posée.