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Méningocoque de souche W

Une méningite grave peut se présenter comme un simple mal de ventre

Par le Dr Jean-Paul Marre

Le nouveau visage des méningites à méningocoque, avec des présentations initiales sous forme de douleurs du ventre, peut retarder le diagnostic et compromettre le pronostic.

astia11/istock
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Plusieurs enfants et jeunes adultes sont morts récemment d’une méningite à méningocoque en France, mais un retard diagnostique lié à une présentation initialement trompeuse pourrait être en cause si l’on en croit un travail récent du Centre National de Référence des Méningocoques.

Les personnes atteintes de méningites à méningocoques ont généralement de la fièvre, des maux de tête, des vomissements, des raideurs dans la nuque... mais elles peuvent aussi avoir simplement mal au ventre. Tellement mal, qu'on les opère parfois, à tort, pour une hypothétique « appendicite ».

Deux équipes, du Centre National de Référence des Méningocoques de l'Institut Pasteur et du service de pédiatrie de l'Hôpital Bicêtre, à Paris, se sont ainsi penchées sur cette nouvelle présentation trompeuse des méningites à méningocoques. Le résultat est sans appel : 10 % des patients infectés par la souche W de méningocoque qui est en pleine expansion en Europe présentent des douleurs abdominales. Une forme atypique et de plus en plus fréquente de la méningite à méningocoque dont les médecins doivent désormais être conscients. Les résultats sont publiés dans Clinical Infectious Diseases.

Le nouveau visage des méningites à méningocoque

Une infection à méningocoque peut provoquer surtout des méningites et des infections généralisées (septicémies), mais aussi des arthrites, des péritonites… En cas de méningite, la forme la plus dangereuse, l’infection se traduit généralement dans les premières 24 heures par une fièvre, des maux de tête, des vomissements et une raideur dans la nuque. Mais depuis quelques années, un autre signe plus précoce apparaît sans que les médecins ne l'associent spontanément à ce type d'infection : il s'agit des douleurs du ventre.

Selon Muhamed-Kheir Taha, principal auteur de l'étude, et responsable du Centre national de référence des méningocoques (CNRM) à l'Institut Pasteur, « face à ces maux de ventre, le médecin ne va pas penser en premier lieu à une infection à méningocoques, mais plutôt à une gastro-entérite, voire une appendicite. Or, si on tarde dans la détection et le traitement antibiotique adapté des personnes infectées par un méningocoque, leur pronostic vital peut être engagé. L'infection invasive à méningocoques est une maladie mortelle dans quasiment 100% des cas s'il l'on n'administre pas rapidement les bons antibiotiques. »

Une infection grave en mutation

La maladie étant à déclaration obligatoire, le Centre National de Référence des méningocoques (CNRM) reçoit toutes les souches bactériennes qui ont provoqué des infections à méningocoques en France depuis les années 1980.

Les chercheurs ont donc analysé quelques 12 000 souches méningocoques, conservées au CNRM entre 1991 et 2016, et étudié les présentations cliniques initiales des patients infectés par ces souches. Ils ont alors isolé 105 cas associés initialement à des douleurs abdominales, des gastro-entérites ou des diarrhées. « Cela ne représente que 1 % des malades sur près de 40 ans », commente Muhamed-Kheir Taha, « mais si l'on se concentre sur les deux ou trois dernières années et sur la souche bactérienne du groupe W qui est arrivée en Europe en 2013-2014 et ne cesse d'augmenter depuis, on monte à 10 % des cas. »

Autrement dit, les personnes aujourd'hui infectées par un méningocoque ont des risques plus importants d'avoir des maux de ventre. Un symptôme qu'il est donc indispensable et urgent de prendre en compte lors du diagnostic médical. Désormais le mal de ventre, associé à d'autres signes comme la fièvre, des douleurs aux jambes, des maux de tête, une mauvaise vascularisation des ongles… devrait mettre sur la piste de la méningite à méningocoques sans attendre les signes plus typiques.

Des gènes très différents des autres souches de méningocoques

Pour aller plus loin, l'équipe a séquencé l'ensemble du génome des méningocoques de leur collection afin de savoir ce qui distinguait la souche W des autres souches de méningocoques et ce qui pouvait expliquer les maux de ventres.

Là encore, les résultats obtenus par les chercheurs sont assez clairs. La souche bactérienne du groupe W dont la fréquence augmente en Europe et dans le monde, possède une centaine de gènes spécifiques dont certains impliqués dans l’intensité de la réaction inflammatoire à l’infection.

« Il faut rappeler que les méningocoques infectent les vaisseaux sanguins qui irriguent aussi le ventre et le système digestif », souligne Muhamed-Kheir Taha. « Si la bactérie en question est susceptible d'induire une réponse inflammatoire plus intense dans le ventre, cela pourrait expliquer l'origine des douleurs abdominales. »

C'est d'ailleurs sur ces gènes que les chercheurs vont poursuivre leurs investigations pour tenter de comprendre le mode d'action de cette souche et de diagnostiquer plus tôt cette méningite. Une infection à méningocoque qui est encore responsable chaque année de 135 000 décès en France et dans le monde.