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Théorie

Levothyrox : un ex-chercheur du laboratoire Merck pense que l'acide citrique est à l'origine des effets indésirables

Par Johanna Hébert avec Anaïs Col

Un ancien chercheur au laboratoire Merck - qui fabrique et commercialise le Levothyrox - estime que l’acide citrique, présent dans la nouvelle formule du traitement, influerait sur son efficacité et serait à l'origine des effets indésirables. 

ALLILI MOURAD/SIPA
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Alors que des médecins ont découvert récemment des nanoparticules de métal dans la nouvelle formule du Levothyrox, qui pourrait expliquer les effets secondaires ressentis par les malades, un chercheur en pharmacie estime que l’acide citrique, présent en grande quantité, diminuerait l’efficacité du traitement.

Un ancien chercheur au laboratoire Merck - qui fabrique et commercialise le médicament - pense que ce pourrait être le cas. "L’acide citrique est un puissant acide qui se trouve en grande quantité. C’est donc évident qu’il y a une réaction chimique. (…) Une quantité telle qu’on aura une dégradation de la thyroxine. Le principe actif va être sous forme acide, inactif. C’est de la chimie de base de première année de pharmacie…", a-t-il expliqué sous couvert d'anonymat sur France Info.

En somme, l'acide citrique neutraliserait une partie de la molécule active du Levothyrox. "Il y a beaucoup de médecins qui ne connaissent pas le médicament car ils ne l’ont jamais étudié, mais c’est eux qu’on entend, précise ce scientifique. On a entendu dire que l’acide citrique c’était très bon car il y en avait plein les chewing-gums. Oui, mais il n’y a pas de lévothyroxine dans les chewing-gums…" Selon lui, le laboratoire Merk serait allé trop "vite en besogne pour faire un brevet, parce que la molécule tombe dans le domaine public en 2019".

Le Dr Amine Umlil, qui a fabriqué des médicaments toute sa vie et qui travaille aujourd'hui a son compte, a contacté Maître Christophe Lèguevaques, un avocat qui défend des centaines de personnes engagées dans pour le retour de l'ancienne formule du Levothyrox. Dans son livre son tome II Connaître le médicament, le scientifique écrit "Il est admis que le citron vert, tout comme le pamplemousse, a un effet inhibiteur enzymatique. (…) L’élimination de la lévothyroxine se trouverait ainsi freinée ; ce qui conduirait à une accumulation du médicament dans l’organisme."

Entre 3000 et 5000 patients bientôt en procédure

L’affaire du Levothyrox est née du changement de formule, en juillet dernier, lorsque des milliers de malades ont commencé à se plaindre d'effets secondaires indésirables. Au total, plus de 17 000 cas ont été rapportés à l’ANSM sur 2,3 millions de malades traités en France. Le lien avec le changement de formule a été évoqué et une vaste enquête administrative a été lancée alors que les pharmacologues sont bien en peine d’expliquer une telle crise. Le 24 octobre dernier pourtant, Me Christophe Lèguevaques a assigné le laboratoire Merck devant la justice et déposé 108 premiers dossiers, assurant que 2000 autres sont en attente de l'être. Au total, entre 3000 et 5000 patients pourraient "être en procédure".

"Si l'on regarde les chiffres de la Sécurité sociale, entre janvier et décembre 2017, il y a quasiment un million de malades qui ont quitté le Levothyrox de Merck", explique l'avocat, cité par France Inter. "Ça représente tout de même 31% des malades sur trois millions. Et parce qu'il y a sous-estimation de la gravité par les autorités, les mesures qui ont été prises ne sont pas adaptées." 

Prochainement, un nouveau médicament, le TCAPS doit faire son apparition sur le marché. Le procès de l’action collective contre le laboratoire Merck doit se tenir, lui, le 1er octobre prochain.

Que contient le changement de formule ?

Ce changement de formule a consisté à remplacer le lactose, qui enrobait l'hormone thyroïdienne, la lévothyroxine, pour en faire un comprimé, par du mannitol. Il avait été demandé par l’Agence de médicament (ANSM) afin de garantir la stabilité du produit dans le temps, ce qui n'était pas le cas avec l’ancienne formule. Ce changement doit d’ailleurs être étendu à l’ensemble de l’Europe.

Dès l'été, les malades se sont manifestés : 5062 effets indésirables ont été classés comme graves et 14 décès ont été recensés par l'ANSM, sans qu’un lien direct avec la nouvelle formule puisse être formellement établi. Selon une enquête de pharmacovigilance, les effets indésirables rapportés avec la nouvelle formule sont similaires en type et en gravité à ceux de l’ancienne formule, mais sont plus fréquents (0,75% des malades). Un cas de suicide a conduit à une analyse approfondie de 79 cas de troubles à type d’idées suicidaires sur la période. Mais les données issues des cas ne sont pas suffisamment complètes pour permettre d’établir un lien entre les effets indésirables de troubles psychiatriques avec la nouvelle formule de Levothyrox d’après l’ANSM.

Pourquoi Docteur a profité du congrès de la Société Française de Diabétologie pour interviewer le Pr Serge Halimi, un endocrinologue fin connaisseur des maladies de la thyroïde sur le Levothyrox. Retrouvez notre émission ici.