Si vous êtes un gros amateur de courges et de cucurbitacées en tout genre, voilà qui risque de vous interpeller. D’après un article publié par un dermatologue français paru en mars dans la revue JAMA Dermatology, ces plantes pourraient faire tomber les cheveux. Pour en arriver à cette conclusion, le Docteur Philippe Assouly, de l’hôpital Saint Louis à Paris, s’est appuyé sur le cas de deux Françaises habitant en région parisienne ayant présenté une chute de cheveux et de poils après avoir consommé cet aliment.
Le premier cas concerne une sexagénaire prise de de nausées, vomissements et diarrhées après avoir mangé une soupe amère à base de courge orange à peau verte en 2010. Quelques jours après, elle commence à perdre beaucoup de cheveux. Deux mois plus tard, elle consulte Philippe Assouly.
"Beaucoup de cheveux sont tombés, d’autres ont été partiellement intoxiqués et continuent leur croissance. Ceux qui sont tombés ne mesurent à deux mois que de 2 cm. D’autres cheveux, non tombés, présentent une anomalie de structure. Celle-ci, consécutive à l’intoxication, permet également de la dater. La tige pilaire est donc soit cassée à 2 cm de son émergence et présente alors un renflement blanchâtre à son extrémité, soit un renflement blanchâtre à cette même distance du cuir chevelu tout en continuant de pousser", explique le médecin au Monde.
Un insecte pollinisateur responsable
Puis, en 2017, une quadragénaire est prise de vomissements sévères une heure après consommé une courge spaghetti. Elle a vomi pendant plusieurs heures d’affilée. Trois semaines plus tard, elle commence elle aussi à perdre beaucoup de cheveux ainsi que des poils au niveau des aisselles et du pubis. Six mois plus tard, elle rencontre le Docteur Philippe Assouly qui découvre, comme chez la première malade, des renflements anormaux aux extrémités des cheveux.
S’il est déjà bien connu que les courges, qui font partie de la famille des cucurbitacées, peuvent être très difficile à digérer en raison de molécules appelées cucurbitacines, c’est la première fois que l’on constate en France une alopécie (perte de cheveux et de poils) suite à une intoxication par une courge amère.
D’après le docteur Assouly, le responsable de cet étrange phénomène serait un insecte pollinisateur transférant sur des courges cultivées de la cucurbitacine toxique présente dans les courges sauvages, leur donnant à l’occasion ce goût si amer. "D’où l’importance, pour limiter ce risque, de ne pas cultiver des espèces comestibles à proximité de courges décoratives, non comestibles", insiste-t-il alors que de plus en plus de particuliers cultivent des cucurbitacées dans leur potager. La cucurbitacine toxique attaquerait le cheveu lors de sa phase anagène soit pendant la croissance active du bulbe, donnant ainsi les mêmes effets qu’une chimiothérapie.
Les cheveux finissent toujours par repousser
En lisant l’article paru dans le JAMA Dermatology, une trentenaire vivant dans la région de Grenoble a réalisé qu’elle devait elle aussi sa perte de cheveux récente à une intoxication par une courge amère trop mûre. Elle a alors immédiatement pris contact avec Philippe Assouly.
Au mois de décembre, Charlène prépare du butternut, raconte-elle au Parisien dans un article paru jeudi 24 mai. Le goûtant, elle réalise qu’il a un goût "bizarre" particulièrement amer et s’arrête aussitôt. Trop tard, "30 minutes après, j’étais prise de maux de ventre et n’ai jamais été aussi malade que cette nuit-là. J’avais des crampes, des sueurs froides, des débuts d’hallucinations. J’ai même perdu connaissance. J’ai pensé que c’était une grosse gastro d’après les fêtes", explique-t-elle au quotidien. Une semaine plus tard, ses cheveux commencent à tomber par poignées. "Au bout d’un mois, reprend-elle, ils partaient comme si j’avais mis de la crème dépilatoire. Quand je les lavais, j’entendais un craquement, ils cassaient à ras. J’étais affolée, paniquée", se souvient-elle.
Alors qu’aucun bilan sanguin ou analyse ne parvient à expliquer cet étrange problème, Charlène, qui travaille dans un laboratoire en recherches médicales, décide de prendre les choses en main elle-même et passe un de ses cheveux au microscope. Elle découvre alors une fourche datant de "la période de la courge". Puis "quand je suis tombée sur la publication du Dr Assouly, ça a fait tilt. Je l’ai contacté. Ça, plus le fait que mes ongles boudinaient ont confirmé le diagnostic. La toxine a attaqué mes cheveux dans le bulbe. Quand ils en sont sortis au bout d’une semaine, ils se sont cassé un par un", raconte la jeune femme qui a fini par se couper les cheveux très courts. Depuis, ils repoussent normalement.
Car, pas d’inquiétude, "les cheveux repoussent toujours", rassure le Dr Assouly, rappelant à l’occasion que toutes les courges ou citrouilles ne rendent pas malade. "C’est le goût particulièrement amer qui doit alerter le consommateur aussi bien que le médecin qui traite les patients". Et ce, surtout si le produit est cuit. En conclusion, le médecin conseille donc de goûter un petit morceau de cucurbitacée afin d’y déceler une éventuelle amertume.