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Nord : le témoignage de la mère d'un enfant épileptique déscolarisé bouleverse Internet

Par Raphaëlle de Tappie

Dans une vidéo postée sur Facebook, une mère de famille a raconté comment l'établissement spécialisé où est scolarisé son fils a refusé de le reprendre à temps plein après une crise d'épilepsie sévère. Son témoignage a suscité une immense mobilisation. 

Capture d'écran/Facebook

"Je croyais que mon fils avait des droits ? Mais à priori quand on est handicapé, les droits on s’en fout un peu, beaucoup quand même !". C’est avec ces mots que Coralie Cambelin, une habitante de Bully-les-Mines dans le Pas-de-Calais raconte, en larmes, l’histoire de son petit garçon Oscar, six ans, rejeté de son école après une crise d’épilepsie sévère. La vidéo, postée jeudi 24 mai sur Facebook, a été partagée plus de 100 000 fois et attiré l’attention des médias, poussant l’établissement incriminé à reconsidérer sa position.

"Mardi dernier, Oscar a fait une crise à l’institut d’éducation motrice (IEM) Sévigné de Béthune où il est scolarisé, une crise qui a nécessité des secours", commence Coralie dans cette vidéo de plus de quatre minutes tournée dans sa voiture. "Depuis, la structure m’a interdit l’accès. A interdit l’accès à mon enfant. Oscar n’est pas allé à l’école de la semaine et n’a pas eu les soins dont un enfant en situation de handicap a besoin", continue-t-elle, la voix étranglée. "Ils ne peuvent pas le mettre dehors parce que, légalement, ils n’ont pas le droit mais ils diminuent le temps d’accueil, ils le prennent une fois par semaine", détaille-t-elle.

"Je dis quoi à mon enfant de six ans quand il me réclame de voir ses copains ?", s’interroge Coralie, pour qui "Oscar a le droit d’avoir la vie d’un petit garçon de six ans". "Evidemment, je ne m’arrêterai pas là, je vais me battre pour qu’Oscar puisse réintégrer sa structure ou une autre structure", annonce-t-elle, admettant toutefois être "complètement pommée". "Je ne sais pas par où commencer", conclut-elle dépitée. 

Une vidéo visionnée plus de 2,9 millions de fois en quarante-huit heures

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Fort heureusement pour elle, le soutien des internautes a été immédiat. Quarante-huit heures après avoir posté sa vidéo sur Facebook, Coralie a eu l’immense surprise de découvrir qu’elle avait été visionnée plus de 2,9 millions de fois et partagée par plus 100 000 internautes tous plus encourageants les uns que les autres. "Bon courage, ouvrez une page pour qu’on signe une pétition", suggère un internaute. "Je vous envoie Force et Amour !! Tout mon soutien", écrit un autre. "Mais quelle honte ! Courage ! Ne baissez pas les bras, même si dire que c'est dur est encore loin du compte ! Que disent les services sociaux ? Vous allez y arriver ! Namaste", se scandalise une dernière.

Contactée par La Voix du Nord, la jeune femme s’avoue très surprise de tous ces soutiens. "Ça fait énormément de bien de se sentir soutenue comme ça. Je ne pensais pas être vue autant. Mais c’est aussi angoissant parce que je me suis mise à nu, j’étais complètement perdue", se confie-t-elle. Et la mobilisation n’a pas tardé à payer puisque la direction de l'Institut d'éducation motrice de Béthune a immédiatement accepté de revoir la famille d'Oscar pour trouver une solution. L'établissement, qui, sur son site internet, dit proposer "des prises en charge pour les enfants et adolescents sujets à une déficience motrice importante afin de les accompagner dans leur intégration familiale, sociale et professionnelle", a alors demandé de l'aide à l'Agence régionale de santé (ARS) et à la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), pour accueillir l'enfant plus d'un jour par semaine, en attendant une solution durable dans un autre IEM (où la demande de Coralie est en veille depuis plus d’un an, selon France Bleu Nord).

"Mieux accueillir Oscar"

Dès le vendredi, Oscar a pu retrouver ses amis. "C'est avec beaucoup de joie que je peux vous annoncer qu'Oscar est à l'IEM ce matin ! Nous avons vu la direction ce matin, nous tentons de renouer le dialogue ! Mon fils a des droits et je compte bien les faire respecter... Merci à tous", a annoncé la maman sur les réseaux sociaux en postant une photo de son fils à l'entrée de l'école. 

"On est vraiment en train de chercher une solution. Lundi matin, je revois les parents. On va essayer de construire ensemble quelque chose pour mieux accueillir Oscar", a promis Marc Witczak, le directeur du pôle IEM Artois, qui gère l'institut de Béthune, à La Voix du Nord en fin de semaine dernière. "Mais il faut aussi savoir que nous avons fait une proposition pour qu'Oscar soit accueilli à l'IEM de Liévin, qui a un plus grand encadrement médical. Les parents ont refusé cette solution. Je respecte le choix de la famille", détaille Marc Witczak au micro de France Bleu. "On ne veut pas du tout s’en débarrasser. On ne ferme pas la porte. Nous continuons à l’accueillir. On veut juste le faire de la manière la plus sécurisée qui soit", explique-t-il encore, rappelant que "le danger est important quand il n’y a pas de personnel médical autour".

Une maladie pharmaco-résistante et non stabilisée

Car si l’histoire de Coralie et de son enfant peut choquer, l’inquiétude de l’établissement Sévigné de Béthune fait sens. En effet, sans corps médical pour soigner une crise, l’épilepsie sévère peut entraîner la mort du malade. Il s’agit de la forme la plus grave d’épilepsie, maladie neurologique se traduisant par un fonctionnement anormal de l’activité du cerveau, puisqu’elle est pharmaco-résistante et non stabilisée. Ainsi, lorsqu’une personne fait une crise d’épilepsie sévère, il lui est complètement impossible de mobiliser les compétences nécessaires pour appeler les secours. Et plus les crises sont longues et rapprochées, puis il y a des risques de lésions neurologiques.

Fort heureusement, l’épilepsie sévère ne concerne pas la majorité des 500 000 Français épileptiques : dans 70 à 80% des cas, cette maladie se soigne avec des médicaments anticonvulsifs permettant d’éliminer ou de réduire la fréquence des crises. Ces dernières se manifestent de façon très différente selon chaque malade et toutes ne se traduisent pas par une perte de connaissance brutale. Il arrive par exemple que la personne concernée ait des absences au cours desquelles elle perd contact avec son entourage, qu’elle ait des mouvements anormaux (mâchonnements, rotation de la tête et des yeux...), des contractions musculaires involontaires ou des hallucinations sensorielles.

Ainsi, même si elle ne met pas toujours en jeu le pronostic vital du patient, la maladie a souvent des conséquences très négatives sur sa qualité de vie. Les personnes souffrant d'épilepsie ont souvent des difficultés scolaire et se voient, en vieillissant, interdire de nombreux métiers. Une exclusion qui engendre bien souvent des dépressions. Dans les cas d’épilepsie sévère, la prévalence de la dépression est même de 50% des malades, selon les chiffres de la Fondation française pour la recherche de l’épilepsie.